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Lifeboat (1944) Alfred Hitchcock

Lifeboat (1944) Alfred Hitchcock

Pubblicato 2 lug 2021 Aggiornato 2 lug 2021 Cultura
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Lifeboat (1944) Alfred Hitchcock

Huis-clos nautique et frissons politiques

La Seconde guerre mondiale déchire le monde occidental en 1943, et les studios de cinéma hollywoodiens souhaitent apporter leur aide à l'effort de guerre, d'une façon ou d'une autre. Ainsi la Fox va demander à Alfred Hitchcock himself d’y apporter sa contribution artistique, et le réalisateur demande à John Steinbeck d’écrire un texte basé sur un article qu’il a lu à propos de naufragés. Hitchcock sort de plusieurs succès, tant publics que critiques, et sa cote est de plus en plus haute chez les Majors. Steinbeck  quant à lui a déjà vu sa carrière d'écrivain décoller quelques années plus tôt avec la parution de Des souris et des hommes puis des Raisins de la colère. La première mouture du script est une nouvelle, qu'il a fallu remodeler car inadaptable au cinéma, et qui deviendra le scénario de Lifeboat. Pour la petite histoire, c'est entre autres Ben Hecht, collaborateur régulier d'Hitchcock, qui va s'en charger, sans être crédité au générique, ce qui lui arriva d'ailleurs plusieurs fois dans sa carrière.

Nous suivons donc l’épopée de huit rescapés du torpillage d’un cargo américain par un sous-marin allemand dans l'Océan Atlantique. Parvenus à monter sur un canot de sauvetage, ils sont tous plus différent les uns des autres, venant de couches sociales diverses et de trajectoires bien dissemblables. On trouve une journaliste, un mécanicien, un industriel, l'opérateur de la radio du navire coulé, un noir, un marin, une infirmière et une mère de femme avec son bébé, qui va s'avérer déjà mort. Le temps de la traversée, ces personnages vont être contraints à survivre ensemble, et vont donc s’aimer et se détester, surtout se méfier les uns des autres comme de la peste, et auront d’ailleurs toutes les meilleures raisons du monde de le faire. En cette période de trouble mondial, sur qui peut-on se fier ? Qui est le plus à même de ramener le radeau à bon port ? Et surtout, comme va faire notre bon vieil Alfred pour effectuer sa traditionnelle apparition dans ce long-métrage à déconseiller aux claustrophobe ?

Il vaut mieux laisser cette dernière question sans réponse, même si l'enjeu n'est pas d'une importance capitale. Pour le reste, Alfred Hitchcock apporte dans Lifeboat une analyse très aboutie mais aussi sans concession de la situation politique d’alors. Il concentre sur ce petit rafiot un concentré d'humanité pas piquée des hannetons. La journaliste s'avère être une femme hautaine, prétentieuse et arrogante, le mécanicien est un communiste, l'homme d’affaire s’est, on s’en doute, enrichi avec la guerre… et le scénario parvient à insérer parmi toute cette bande un allemand, soit l'ennemi juré du moment ! Rien qu’avec cette description on imagine aisément les débats d’idées qui vont s’ensuivre. Du reste tel est le but du réalisateur que de confronter les points de vue afin de prendre un peu de hauteur envers la situation.

Mais en sus, pendant plus d’une heure trente, Alfred Hitchcock ne nous laisse pas une seule minute de répit, multipliant les scènes d’action spectaculaires, les intrigues sentimentales et les tensions dramatiques. Car plus encore qu’un simple défi technique (ce qui est déjà une gageure relevée haut la main, à l'aide de toute une palette d'effets spéciaux certes sommaires, mais qui fonctionnent parfaitement), Lifeboat est un film qui amène le spectateur à une subtile réflexion sur le Bien et le Mal, le Droit et la Raison. Loin d’apporter des réponses toutes faites simplement manichéennes ou moralisatrices, tonton Alfred utilise un habile scénario pour mener à bien son délicat travail de manipulation. Les dialogues du film sont particulièrement fin, maniant l'ironie et les sous-entendus avec une grande maestria.

Les personnages approfondis de façon excellente sont certes typés mais c'est justement ce qui leur permet de représenter chacun une partie du peuple américain. Ces archétypes bin dessinés permettent aux acteurs de développer un jeu tout en finesse, et l'on remarque particulièrement Tallulah Bankhead en superbe peste qui devient peu à peu un peu moins égoïste. Raillé à sa sortie pour sa féroce critique des puissances occidentales en proie au doute au début du conflit, et même critiqué pour oser apporter un peu de mesure dans une époque où il tout n'était que noir ou blanc, Lifeboat apporte, avec des pointes d’humour des plus bienvenues, une réflexion d’une très juste acuité, et force le spectateur à prendre position d’une manière ou d’une autre, sur une situation paroxystique et pourtant terriblement réelle.

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