L’exercice de l’état (2011) Pierre Schoeller
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L’exercice de l’état (2011) Pierre Schoeller
On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans
Présenté à la sélection Un certain regard au Festival de Cannes en 2011, L’exercice de l’état y reçu le prix Fipresci, récompense décernée par un jury constitué de critiques de cinéma internationaux. Il existe depuis 1962 et a également récompensé entre autres L’ange exterminateur de Luis Bunuel, La maman et la putain de Jean Eustache, Le sacrifice d'Andreï Trakovski ou bien Exotica d’Atom Egoyan, ce qui n’est pas forcément un gage de qualité mais donne tout de même une belle mesure de l’attente qu’il a pu générer. Le film n’est d’ailleurs pas réalisé par un cinéaste débutant puisque Pierre Schoeller avait déjà mis en scène Versailles, avec Guillaume Depardieu, en 2008, premier film qui avait déjà mis la puce à l’oreille de la critique.
Le début
Dans un luxueux bureau, d‘étranges hommes en capuches préparent les lieux où une femme nue arrive, fière et mystérieuse. Elle se dirige d’un pas décidé vers un crocodile et s’allonge en face de lui, les jambes écartées. Soudain elle s’avance et se glisse tête la première dans la gueule de l’animal. C’est le téléphone qui réveille Bertrand Saint-Jean de ce rêve érotique qui l’a troublé. Un accident vient de se produire et son directeur de cabinet l’en informe sur le champ. La réalité stoppe sur le champ une petite sauterie organisée au ministère des transports, et les collaborateurs de Saint-Jean improvisent le déplacement du ministre sur les lieux du drame. Il s’y rend avec son attachée de presse qui le suit partout.
Analyse
On regarde L‘exercice de l'état avec une fascination qui monte crescendo. Est-ce uniquement par son sujet ou par sa mise en scène que le film nous tient en haleine si brusquement, sans doute un peu des deux. C’est à la fois captivant et terrifiant que de suivre au jour le jour les tourments de ceux qui nous gouvernent, sans compter le côté voyeur qui accompagne la réception de l’œuvre, même si le long-métrage de Pierre Schoeller se garde bien de toute forme de sensationnalisme. Ainsi, le film se montre-t-il sans doute relativement réaliste dans sa façon de présenter les personnages et les situations potentielles auxquelles ils ont affaire, mais il n’occulte pas non plus une certaine idée du romanesque, dans certaines scènes qui marquent les esprits.
Le long-métrage ménage en effet quelques séquences assez spectaculaires, et il n’hésite pas à nous offrir de beaux portraits d’hommes et des femmes dans toute leur complexité. Enfin, L‘exercice de l‘état est surtout le portrait d‘un homme, et pas n‘importe lequel puisque c‘est un homme de pouvoir, dans tous les sens du terme. Comme le suggère cette très belle scène inaugurale, l’œuvre ne va cesser de fouiller ses désirs et ses doutes, ses aspirations et ses faiblesses. Le défaut, certes mineur, que l’on peut concéder au film, serait de ne pas creuser davantage les personnages secondaires, tout aussi importants dans la pratique de la politique. Mais en se centrant sur ce personnage clé, le long-métrage permet de l’analyser sous toutes ses coutures.
On découvre alors ce fameux ministre des transports, Bertrand Saint-Jean, qui se montre tout au long de cette œuvre singulière froid et calculateur, mais également en proie à de nombreux questionnements, qu’il partage en particulier avec son directeur de cabinet, l'excellent Michel Blanc, qui le rendent peu à peu profondément humain. La justesse de l’interprétation de l’énorme acteur qu’est Olivier Gourmet joue énormément à donner de la chair à cet homme en plein milieu de conflits internes mais également en porte-à-faux face à ses électeurs potentiels. Si les questions partisanes ou d’appareil politique ne sont pas évoquées, L‘exercice de l‘état s’inscrit pleinement dans la modernité et nous présente un état des lieux assez glaçant des sphères de pouvoir.