Gaspard va au mariage (2018) Antony Cordier
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Gaspard va au mariage (2018) Antony Cordier
Une certaine idée de la liberté
Pour son troisième film, Antony Cordier s'essaye à la comédie avec Gaspard va au mariage. En 2005, pour son premier film, Douches froides, il avait attiré le regard de la critique et des festivaliers., recevant en particulier un prestigieux Prix Delluc. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le film réservait au charmant Johan Libéreau son premier rôle de premier plan. Cinq ans plus tard, le réalisateur tourangeau revient discrètement avec Happy few, dont le sous-titre, Aimez qui vous voulez, donnait le ton. Si le film est présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise, il ne fait pas beaucoup parler de lui. Il permet toutefois à Cordier de donner sa première chance au cinéma à Blanche Gardin, et d'entamer une collaboration avec Marina Foïs et Élodie Bouchez, toutes deux présentes dans son troisième film. Celui-ci est passé discrètement à l'affiche, bien que son originalité soit signalée par certains.
Des activistes se menottent aux rails d'une voie de chemin de fer où passe un train. Gaspard, un passager en sot et tombe sur Laura, l'une d'entre eux, qui ne se sent pas bien. Il la délivre et l'invite à monter. Elle lui explique qu'elle passait dans le coin et a rejoint la bande par hasard car ils distribuaient des croissants et avait faim. Le train repart avant que la jeune fille ne puisse en descendre. Gaspard lui demande alors de l'accompagner au mariage de son père, à Limoges. Il lui propose de la payer cinquante euros par jour pour prétendre être sa fiancée et elle accepte. Arrivés sur place, Laura se rend compte que le père de Gaspard dirige un zoo. Il lui raconte que sa mère est morte quand il était enfant, après avoir été attaquée par un tigre. Afin d'être préparés si jamais ils doivent s'embrasser devant tout le monde, elle le surprend et lui fait un baiser.
Le moins que l'on puisse dire à propos de Gaspard va au mariage est que c'est un film excentrique. Le propos est original, le cinéma français ne s'aventure pas très souvent dans des univers marginaux comme celui d'une famille propriétaire d'un parc zoologique. Et le cadre amène des scènes étonnantes, où le spectateur est la plupart du temps confronté à des situations inattendues. Que l'on pense à ce bébé tigre qui se promène dans une propriété ou à cette protagoniste vêtue d'une peau d'ours, l'ambiance générale du film est assez peu commune. Les personnages sont d'ailleurs gentiment border line, entre ce père de famille frivole et sa fille dont l'instinct animal prend le dessus. Beaucoup de métaphores animalières parsèment un long-métrage qui ne serait pas loin de prôner un retour à l'état sauvage. Plus généralement, ce monde quasiment en dehors de la civilisation questionne sans cesse la normalité,
En ce sens, Gaspard va au mariage se rapproche des précédents films d'Antony Cordier. Un permanent désir de liberté nimbe des scènes où les corps et les esprits se lâchent. La mise en scène est une ode au lâcher-prise, le discours du film met en avant la liberté d'être. Les références à la nature et à l'animalité poussent vers une sensualité assumée. Comme souvent chez le réalisateur, les corps sont souvent nus, non pas de façon vulgaire mais dans un élan empreint d'une naturelle volupté. Ces références sont toutefois parfois lourdement amenées, en particulier avec les souvenirs de jeunesse du personnage principal, qui est censé avoir perdu le sens de la créativité qu'il développait alors. Le message surligné qui nous enjoint à retrouver notre âme d'enfant et ainsi un peu trop lourd.
Dans ce même esprit de spontanéité, Gaspard va au mariage bénéficie d'un casting relativement innovant. Si c'est sans doute lié au petit budget du film, c'est assez rare pour être remarqué de voir dans les rôles principaux une actrice et un acteur qu'on ne voit pas très souvent dans le paysage cinématographique. Autant Félix Moati que Lætitia Dosch s'en sortent plutôt bien, apportant leur brin de fraîcheur et de jeunesse. Autour d'eux on retrouve quelques valeurs sûres comme Marina Fois, qu'on a toujours autant de plaisir à retrouver, et le toujours aussi sexy Guillaume Gouix qui incarne ce frère bourru chargé de faire revenir tout ce petit monde à la réalité. Malgré son sujet pas très drôle, qui met en avant les difficultés que rencontrent des exploitants indépendants proches de la faillite, le film est teinté d'une douce folie plutôt sympathique. Cela ne restera pas dans les annales comme une grande œuvre, mais on y passe un bon moment.