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Bleu nuit (2021) Samuel Van Grinsven

Bleu nuit (2021) Samuel Van Grinsven

Pubblicato 17 mar 2021 Aggiornato 17 mar 2021 Cultura
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Bleu nuit (2021) Samuel Van Grinsven

L’éducation sentimentale

Natif de Nouvelle-Zélande, le réalisateur Samuel Van Grinsven a grandi en Australie. Lors de son master d’audiovisuel à l’école Australienne de film, télévision et radio (AFTRS), il produit un projet de fin d’études intitulé Sequin in a blue room (que l’on pourrait traduire par Sequin dans une chambre bleue, et qui bénéficie d’un titre plus prosaïque pour sa diffusion française : Bleu nuit). En octobre 2019, son court-métrage Loved avait été sélectionné lors des Rencontres internationales du cinéma des antipodes de Saint-Tropez. Son premier long-métrage fait quant à lui son petit bout de chemin à travers les monde des festivals LGBTQI. On pourra notamment le visionner le 17 mars, lors de la manifestation digitale organisée par Screenscreen, avant d’avoir une exposition sur grand écran lors du prochain festival Chéries-Chéris. Conor Leach y incarne, pour son premier grand rôle au cinéma, un adolescent en plein apprentissage sexuel et sentimental.

Dans une bibliothèque, un jeune homme lit une bande dessinée figurant des personnages homosexuels et bisexuels. Il va voir un homme dans une allée, leurs regards se croisent et ils sont interrompus par une femme qui tousse. Dans le train, il ouvre une application de rencontre et fixe un rendez-vous avec un partenaire. En rentrant chez lui, il se fait interroger sur son père qui lui demande comment s’est passé son rendez-vous. En se douchant, des souvenirs de cette rencontre lui reviennent, mais à l’instant d’après il bloque le profil de l’homme dans l’application. En se couchant, il fait défiler les autres profils et met à jour le sien : Sequin, 18 ans, minet, curieux. Le lendemain, il rencontre un camarade de classe mais l’ignore ostensiblement. Au lieu d’aller en cours, il accepte un rendez-vous avec un homme de 45 ans et se change dans les toilettes pour mettre sous son pull un gilet en paillettes. L’homme lui propose un verre, qu’il refuse, et lui demande de se déshabiller, mais il garde son gilet.

L’univers dans lequel baigne Bleu nuit est celui du monde virtuel, duquel le personnage principal est accro. Il ne bénéficie d’ailleurs même pas d’un prénom, on ne connaîtra que le pseudonyme qu’il utilise dans son application de rencontres. Une habile dichotomie est exercée entre sa plus banale réalité, qu’il partage entre son lycée et son foyer monoparental, et les aventures sexuelles qu’il multiplie, le plus souvent avec des hommes plus âgés. La porosité entre ces deux mondes est parfois fine, et les interactions entre ces deux univers vont faire l’objet d’un traitement narratif progressif. Durant les cours, il passe de plus en plus de temps à consulter son profil pour voir s’il a des messages, tandis que ses pérégrinations nocturnes, qu’il souhaite au début garder le plus anonymes possibles, vont petit à petit prendre une emprise inattendue sur son univers réel. L’adolescent, qui croyait maîtriser ses interactions numériques, va se rendre compte que ce n’est pas si simple.

Une autre dialectique se met en place dans Bleu nuit, autour du désir et du danger. La progression est encore une fois graduelle : les premières scènes mettent en scène le protagoniste en proie à ses désirs adolescents, papillonnant de rencontre en rencontre sans s’investir, gardant la maîtrise sur ses actes. Guidé par un inconscient aventureux, il va se mettre en danger malgré lui, et ainsi mettre en péril jusque son intégrité physique. Le parallèle avec son environnement nous est présenté de façon assez grossière durant un cours de littérature où la professeure insiste lourdement sur le concept de transgression et son rapport aux affects. On se retrouve dans une trame typique des œuvres dédiées aux jeunes adultes, où comme dans Twilight, dont la référence nous est plusieurs fois rappelée, le héros ou l’héroïne doit se mettre en danger pour avancer. Heureusement pour lui, il saura s’appuyer sur des personnages bienveillants, en l’occurrence une bande de transformistes hauts en couleur.

Enfin la résonance finale de Bleu nuit, qui agit comme une morale de conte, se situe entre sexe et sentiments, Sequin apprenant petit à petit à s’attacher à ses interlocuteurs. Comme de nombreux récits d’apprentissage, il va devoir se connaître lui-même avant de pouvoir s’ouvrir aux autres, ce qui passe par plusieurs phases. Dans la première partie du film, l’adolescent se complaît dans un univers numérique où l’anonymat favorise la neutralité affective. Il refuse alors de revoir ses partenaires sexuels et rejette les personnes qui s’intéressent sincèrement à lui. Puis ce comportement va se retourner contre lui, dès lors qu’il va commencer à éprouver une once de sentiments et qu’il va alors devoir brises sa carapace. Cela ne va pas aller sans heurts, tant physiques que psychiques, avant une conclusion assez jolie. La mise en place de toutes ces dichotomies n’est pas sans lourdeur mais en mettant en œuvre une esthétique forte, le premier film de Samuel Van Grinsven installe un univers assez envoûtant.

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