La vie des autres (2006) Florian Henckel von Donnersmarck
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La vie des autres (2006) Florian Henckel von Donnersmarck
La vie par procuration
On pourrait qualifier La vie des autres du pendant tragique de Good bye Lenin, si tant est qu’on puisse qualifier l’un de tragique et l’autre de comique, bien que les deux films n’aient rien à voir, mis à par leur contexte. Les allemands auront ainsi mis une quinzaine d’année à digérer leur histoire récente ; pourtant Florian Henckel von Donnersmarck n’avait que dix ans quand débute l’action de son film. Le mur, il le traverse dans la voiture de ses parents pour voir des amis à l’Est, et il en a gardé des souvenirs impressionnés. S'il a fait appel à ses propres souvenirs d'enfance, le réalisateur s'est beaucoup documenté durant les quatre années de la prépration de son film, rencontrant à la fois d'anciens membres de la Stasi, mais aussi des victimes de cette police d'État.
Le début
En 1984, à Berlin-Est, Hauptmann Gerd Wiesler, capitaine de la Stasi, donne des cours à des braves apprentis mouchards quand son collègue lui propose d’aller voir une pièce du dramaturge Georg Dreyman joué par la femme de celui-ci, Christa-Maria Sieland. Le soupçonnant d’être « trop lisse pour être honnête », ils décident de le surveiller. Ce que Wiesler ne sait pas, c'est que le ministre de la culture, Bruno Hempf, veut éliminer Dreymann pour gagner les faveurs de sa compagne, apolitique. Wiesler, avec son équipe, met sur écoute l’appartement où vivent Dreymann et Sieland et installe un studio dans le grenier de la maison. Il surprend une rencontre entre Sieland et Hempf, mais son supérieur hiérarchique lui ordonne de ne pas recueillir d’information sur le ministre.
Analyse
C’est là qu’on se rend compte combien un événement que beaucoup de personnes ont vécu, à savoir la chute du mur de Berlin en 1989, a pu avoir une importance si colossale. Non pas qu’on ait sous-estimé la valeur symbolique de la chose, mais une des grande vertu de La vie des autres est de donner chair à un acte qui pourrait sembler abstrait vu de loin. Ainsi le film est-il un des premiers, voire le premier, à mettre au centre du récit la Stasi et ses méthodes peu reluisantes. Le fait de situer le film quelques années avant la fin du régime communiste n'est d'ailleurs pas anodin, tant les personnages principaux ont plus ou moins confiance en la fiabilité d'un système au bord de la rupture.
Avec une maturité rare pour un jeune réalisateur, puisqu'il avait une petite trentaine d'année et signait alors son premier long-métrage, Florian Henckel von Donnersmarck se livre ici à un exercice de style périlleux qui consiste à mêler le documentaire et la fiction. Recréant un contexte austère et une atmosphère tendue, il nous narre avant tout une histoire. L’histoire d’un homme à la vie terne, voire insipide, ici brillamment incarné par Ulrich Mühe, qu'on avait vu chez Michael Haneke, et qui se laisse peu à peu enfermer dans son propre piège. On va avec quelque réticence au début adopter son point de vue de et peu à peu voir le personnage évoluer au fur et à mesure que l’intrigue se déroule.
On peut au passage saluer une intrigue remarquablement bien ficelée, le scénario de Florian Henckel von Donnersmarck étant léché à souhait et évitant tout espèce de parti-pris. On reconnaîtra dans un casting très solide le remarquable Ulrich Tukur, vu notamment dans Amen ou Le couperet, de Costa-Gavras, mais aussi Sebastian Koch, que l'on retrouvera par la suite chez Steven Spielberg ou chez Tom Hooper. On remarque au passage que La vie des autres bénéficie d'un rythme très bien contrôlé, les quelques deux heures et quart que durent le film ne se laissant pas compter. Voilà donc une œuvre à voir absolument, un long-métrage passionnant, vraiment très prenant.