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Théorème (1968) Pier Paolo Pasolini

Théorème (1968) Pier Paolo Pasolini

Pubblicato 17 apr 2021 Aggiornato 17 apr 2021 Cultura
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Théorème (1968) Pier Paolo Pasolini

Cet obscur objet, le désir

Le sulfureux Pier Paolo Pasolini écrit et porte à l’écran en 1968, l’année emblématique des révoltes estudiantines et sociales, Théorème, une œuvre délibérément anticonformiste et provocatrice. Pour la petite histoire, le film a fait scandale au festival de Cannes mais reçut le prix de l’Office catholique international du cinéma. Ulcérés, les conservateurs bien pensants accusent l’œuvre de « pornographie » (ce qui aujourd’hui paraîtrait sans doute aberrant) et L’Osservatore romano désavouera l’O.C.I.C. Il est vrai qu’à y regarder de plus près le film s’attaque férocement aux valeurs traditionnelles de la bourgeoisie, la religion la première.

Le point de départ de Théorème est simple : un individu (que l’on ne nommera jamais et dont on ignore tout) sème le trouble dans une famille bourgeoise de Lombardie. Une trame dont s’inspireront d’ailleurs plus de trente ans après Takashi Miike pour son excellent Visitor Q ou François Ozon pour Sitcom. Ici, l’inconnu au charme ravageur et aux postures hautement suggestives s’appliquera à séduire tour à tour la bonne, le fils, la mère, la fille (délicatement incarnée par Anne Wiazemsky, alors mariée à Jean-Luc Godard) et le père de cette charmante petite maisonnée qui n’avait jamais connu une telle effervescence.

À la première partie de ce Téorème, fulgurante et envoûtante, sensuelle mais jamais vulgaire, succède une seconde partie nettement plus intellectualisée et un tantinet plus laborieuse où l’on suit la déchéance de chacun des membres de cette famille. Tous seront bouleversés par le départ de l’intrus, qui leur aura été comme un révélateur dans leur existence jusqu’alors vaine et futile. Ils vont alors réagir violemment et individuellement, qui part l'art, qui par la religion, qui par la politique, pour essayer de supporter la perte de cet ange, figure quasi christique qui les laisse face à leurs propres angoisses métaphysiques.

Dans le rôle de cet adonis qui n’aura quasiment aucun dialogue dans le film, le fascinant Terence Stamp impose sa présence et son charisme avec talent et naturel. Silvana Mangano, bien loin du Riz amer qui l’a révélé, est magnifique en femme tourmentée. La fable est, comme il est indiqué dans le préambule, éminemment politique puisque la famille bourgeoise est éclatée, ses failles nous sont apparues et aucune rédemption ne semble survenir pour eux, tandis que la bonne, figure prolétaire symbolique, trouvera une issue certes tragique mais quelque part apaisante. Même si il peut apparaître comme déséquilibré et abscons (car rempli de références littéraires et bibliques à décoder), Théorème n’en reste pas moins un film marquant et passionnant.

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