Le ciel peut attendre (1943) Ernst Lubitsch
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Le ciel peut attendre (1943) Ernst Lubitsch
Dis moi que l’amour ne s’arrête pas
Considéré comme le testament d'Ernst Lubitsch, Le ciel peut attendre est comme un condensé de toute son œuvre, en tout cas la partie américaine, faite de délicieuses comédies de mœurs, à la fois légères et profondes. On y retrouve bien sûr la fameuse Lubitsch touch qui consiste grossièrement à donner de l’importance à des détails (ici des roses, statues ou parapluies) pour accentuer l’action ou les sentiments des protagonistes. Ça paraît très académique comme ça, mais ces éléments s’inscrivent tellement bien dans la narration qu’on n’y fait même plus attention et ils donnent un éclat non négligeable au film. Seul long-métrage du réalisateur tourné en couleurs, c’est aussi la première fois qu’il travaille avec Don Ameche, que les studios lui ont imposé pour le rôle principal, et Gene Tierney, avec qui il se dispute durement avant de la respecter. Inspiré d’une pièce de théâtre, le scénario est adapté par Samson Raphaelson, collaborateur de Lubitsch de longue date.
Le début
Le riche américain Henry Van Cleve meurt soudainement, âgé d’une soixantaine d'années. Il se dirige alors vers le patron des Enfers, persuadé qu’il est d’y avoir, par ses diverses turpitudes, largement mérité sa place. Lors d’une discussion à bâtons rompus avec le gardien, celui-ci prétend n’avoir pas pu avoir le temps de décider de son sort, et lui demande de lui donner les raisons qui le poussent à vouloir entrer, en racontant les moindres détails de son existence. Henry ne se démonte pas, et lui explique alors combien sa vie a été dirigée dans une direction quasiment unique, celle de séduire le plus possible de belles et jeunes femmes. Ses plus anciens souvenirs de jeunesse et d’adolescence le ramène à cette seule et unique quête, qu’il poursuivit même après son mariage avec la charmante Martha Strabel. Pourtant il était fol amoureux de cette extravagante et intrépide épouse, avec qui ils vont partager des hauts et des bas.
Analyse
En tout cas un conseil : si vous êtes déprimé, que vous ne croyez plus en l’amour ou que vous avez envie de rire tout simplement, courez voir Le ciel peut attendre. La première moitié du film est savoureuse à souhait, on y suit par d’astucieux flash-back, d’anniversaire en anniversaire, l’éducation sentimentale du jeune Henry Van Cleeve jusqu’à sa rencontre avec la femme de sa vie. Ce bon petit diable, mutin et astucieux, nous est rendu sympathique en comparaison avec la rigidité outrancière du milieu bourgeois et conservateur dans lequel il évolue. Les scènes avec sa préceptrice française, frivole et coquine, et qu’il va faire tourner en bourrique, sont risibles sans que les personnages ou les situations en soient ridicules. Puis la seconde moitié du film, tout autant construite sur le ton et sur les codes de la comédie, est pourtant empreinte d’une nostalgie qui donne tout son sens au film et lui apporte une autre dimension.
Alors bien sûr il faut bien être conscient que Le ciel peut attendre peut sacrément être interprété de toute autre manière., au vu du caractère sacrément phallocrate de son personnage principal. On peut pourtant aussi avoir la naïveté de croire en la sincérité d'Ernst Lubitsch, et même de son protagoniste, qui en est effectivement et sans aucun doute l'alter ego. On peut tout à fait la dénoncer, mais on peut tout autant considérer que la misogynie du film n'est pas choquante ici. Il ne faut pas oublier que nous sommes en 1943 (autre temps, autre mœurs), et que même si des figures comme Katharine Hepburn ont bien eu raison d'émerger, de bien belle façon et avec un cran amplement saluable, l'image de la femme à cette époque n'est que, certes trop rarement mise en avant comme elle l’est ici. Il est donc un peu facile de faire un procès d'intention a posteriori. Et on peut considérer que dans le film, Martha a un aussi beau rôle, sinon plus beau, qu'Henry.
Certes elle est méchamment trompée, mais elle sait à chaque fois ramener son coquin de mari par son charme et sa personnalité, et son amour (voir son adoration) pour son époux n’en fait que la rendre plus belle. Côté casting, le jeu des acteurs du Ciel peut attendre est tout en finesse ; Don Ameche trouve là un de ces meilleurs rôles, évoluant avec son personnage à travers le temps et montrant toute une palette d’émotions. Quant à Gene Tierney, la future inoubliable Laura d’Otto Preminger, elle est belle à se damner et elle sait trouver le on ton, la bonne posture, toujours de façon impeccable. C’est un régal de voir ces deux là jouer le jeu de la séduction et s’aimer malgré tout ce qui leur arrive. On décèle bien sûr derrière la comédie une critique acerbe, à la fois des arrogants pédants de la haute société américaine, et des arrivistes sans éducation de cette fameuse « middle class ». Et puis il est tout de même bien difficile de résister à un film qui nous dit en substance : la vie est trop courte, soyons désinvoltes et profitons en.