À couteaux tirés (2019) Rian Johnson
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À couteaux tirés (2019) Rian Johnson
Cabotinage et grand-guignol
Pour son cinquième film en tant que réalisateur, Rian Johnson souhaitait faire une variation autour de l'univers d'Agatha Christie. On connaît le réalisateur depuis le milieu des années 2000 pour ses premiers films, puis au début de la décennie suivante il signe quelques épisodes remarqués de la série Breaking bad. Sa renommée s'accroît quand il est choisi pour mettre en scène le huitième opus de la saga Star wars. On parle d'ailleurs même de lui pour réaliser le premier épisode de la prochaine et toute nouvelle trilogie, indépendante de la saga initiale. Pour À couteaux tirés, il écrit un scénario de film policier « à la classique », avec un personnage principal de détective improbable, qu'il fait incarner à un Daniel Craig en contre-emploi. Il lui fait côtoyer pléthore de stars montantes comme Katherine Langford, l'actrice principale de 13 reasons why, ou qu'on ne voit plus forcément beaucoup au cinéma comme Jamie Lee Curtis ou bien Don Johnson.
Dans son manoir, l'auteur de polars Harlan Thrombey est découvert mort par la gouvernante alors qu'il vient de fêter ses 85 ans avec l'ensemble des membres de sa famille. Une semaine plus tard, son infirmière a du mal à s'en remettre quand elle reçoit un appel de Walt, le fils de Harlan qui lui demande de venir répondre à quelques questions de policiers venant enquêter sur la mort du milliardaire. Elle est accueillie par la petite-fille de l'auteur et Linda, la fille du patriarche, qui espère que tout sera finie avant la fin de la journée. Elle est la première à être interrogée par les enquêteurs, qui lui demandent comment s'est déroulée la soirée de la veille de la mort d'Harlan. Elle raconte alors les détails de la fête, où étaient présents également son mari, Walt et leur belle-sœur Joni. Les enfants des uns et des autres étaient également de la partie, tout comme la mère du romancier, son infirmière et sa gouvernante.
L'intrigue d'À couteaux tirés est assez haletante. Le rythme du film est soutenu et son scénario est rempli de chausse-trappes. Il s'inscrit pleinement dans le genre des policiers que son réalisateur cite en référence et comme de bien entendu dans un tel cadre, tous les protagonistes sont, au moins durant une courte période, potentiellement coupable, Dès le début du film, le meurtre est commis, on ne perd pas de temps à présenter des personnages que nous découvrirons en flashbacks. C'est d'ailleurs la mécanique principale qui fait avancer l'intrigue où, à l'instar des films adaptés des romans d'Agatha Christie, les faits présumés nous sont racontés soit par le biais de la mémoire, et donc de la parole d'une ou d'un des accusés, soit par le celui du détective qui relate ce qui s'est selon lui passé. Autant dire qu'on est un peu dans nos petits chaussons : on sait pourquoi on regarde le film, et on en a à cet égard pour notre argent.
Sauf qu'À couteaux tirés se démarque clairement de ses prédécesseurs. La première différence, et de taille, est la nationalité du film. Rian Johnson est américain, et ça se voit. Son écriture manque totalement de finesse et de subtilité, à la fois dans la progression de l'intrigue policière et dans la représentation des rapports de classes, essentiels aux motivations des personnages. D'ailleurs le film se différencie ostensiblement des classiques du genre en adoptant un ton décalé, voire sarcastique. Le second degré qui abreuve le long-métrage est assez amusant au début mais vire petit à petit au grand-guignol. C'est à croire que le scénariste a doucement lâché du lest sur la vraisemblance, privilégiant le spéculaire et les effets de manche. Tout l'intérêt que l'on pourrait porter au dévoilement du mystère, inhérent au whodunit, disparaît progressivement tandis que l'on se retrouve devant une intrigue sans beaucoup d'aspérité.
D'autant plus que le spectateur a toujours un temps d'avance sur les protagonistes, et en particulier sur les inspecteurs. Ainsi les rebondissements policiers d'À couteaux tirés nous sont représentés au travers des souvenirs des participants à la soirée, qui du coup vont mentir durant leur interrogatoire. On n'a du coup pas le plaisir de deviner les surprises de l'intrigue avec le détective, la narration ne fait que dérouler les avancées de l'enquête. Il nous reste le plaisir coupable de voir des actrices et des acteurs en roue libre, qui cabotinent comme jamais. Le casting est de ce point de vue tout à fait réussi, il réserve quelques surprises comme ce Daniel Craig à dix lieues de son emploi habituel de James Bond, ou un Michael Shannon méconnaissable tant il est grimé. Les excellentes Jamie Lee Curtis et Toni Collette s'en donnent aussi à cœur joie, mais cela en fait pas vraiment un grand film, tout au plus un divertissement sympathique.