Tout ce que le ciel permet (1955) Douglas Sirk
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Tout ce que le ciel permet (1955) Douglas Sirk
Préparez vos mouchoirs
Voici donc, avec Tout ce que le ciel permet, le film qui a inspiré Rainer Werner Fassbinder (Tous les autres s’appellent Ali) et Todd Haynes (Loin du paradis) à deux époques différentes. On peut considérer le film comme un mélodrame par excellence, avec son cortège d’amour, de passion, de larmes et de déchirements. Il est réalisé par Douglas Sirk, le maître du genre, qui à l’époque enchaîne les productions. Il a sorti l'année précédente, et avec les mêmes interprêtes principaux, Le Secret magnifique, et sortira l'année d'après Écrit sur du vent. Le magnifique Technicolor sublime les couleurs automnales du film, qui fut mal reçu par les critiques de l'époque et fit scandale à cause de son anticonformisme et sa description peu amène d’un certain milieu provincial bien-pensant et sclérosé.
Il faut dire que le rêve américain à son apogée dans les années 1950 en prend pour son grade. Imaginez un peu : une veuve quadragénaire tombe follement amoureuse de son jardinier et envisage de tout plaquer pour se marier avec lui. Scandale dans le petit village où hier encore elle était un membre socialement actif et où aujourd’hui les langues de vipères ne se gênent pas pour lui tailler un costard sur-mesure. Ajoutez à cela un amant d’une condition sociale différente et qui exclut de faire la moindre concession avec le monde extérieur. Et dire qu’elle pensait tout arranger en demandant simplement à ses amis et ses enfants d’intégrer son nouvel amant à sa vie quotidienne, comme si de rien n’était… quelle naïveté !
Dans Tout ce que le ciel permet, Jane Wyman joue avec justesse cette femme follement amoureuse, candide et sincère, et qui provoque malgré elle des évènements et se retrouve en proie à des sentiments qu’elle ne maîtrise pas et qu’elle ne comprend pas. Complètement à l'opposé des rôles qui étaient dévolus aux personnages féminins jusque là, Cary apparaît complexe, pleine de doutes et brûlante de désirs. C'est d'ailleurs à elle qu'il incombe de décider de son destin, et ce n'est qu'avec un travail sur elle-même, et sur le poids qu'elle accorde au regard de la société que son salut éventuel peut advenir. La touche de féminisme apportée par Douglas Sirk fait ici mouche, comme dans nombre de ses œuvres, ce qui a sans doute participé aux freins qu'il a pu rencontrer dans sa carrière.
Quant à Rock Hudson, c’est la virilité, la fougue et la rébellion dans toute leur splendeur, incarnant un personnage qui refuse de s’intégrer dans cette société et que d’ailleurs cette société refuse d’intégrer. Si Rainer Werner Fassbinder a accentué le trait en incorporant dans son adaptation de Tout ce que le ciel permet un immigré, sa jeunesse a de quoi provoquer des remous dans la société des années cinquante. Il est en outre intéressant de voir comment, contrairement aux representations habituelles de l'époque, c'est l'homme qui est l'objet du désir. Ce personnage incarne aussi un retour à la nature, il privilégie les choses simples au matérialisme de cette après-guerre consumériste. La scène où la publicité pour une télévision la promeut comme une façon de vivre sa vie par procuration est à ce titre emblématique.
Ainsi, pour une fois, le cinéma américain nous montre un amour contrarié, mais pas chez deux adolescents beaux et nantis. L’héroïne qui n’a plus vingt ans reste toutefois fort séduisante, et, bien que miséreux, son amant ne s’intéresse pas à son argent. Douglas Sirk se joue ici des stéréotypes, préférant se concentrer sur le sel même du genre qu'il met en scène, une histoire d'amour. Leur drame est mis en scène de façon flamboyante, la photographie mettant en valeur leurs visages et leurs expressions. De surcroit, Tout ce que le ciel permet met en exergue les dysfonctionnements d'une communauté repliée sur elle-même et engoncée dans des traditions qu'elle refuse de faire évoluer. Leurs mesquineries ne fait que contribuer à provoquer chez le spectateur l'adhésion envers ce couple hors norme.
Florence Oussadi 3 anni fa
Il y a François Ozon qui s'est également esthétiquement beaucoup inspiré du tableau final pour plusieurs de ses films ("8 Femmes" surtout mais aussi le début de "Potiche").