L'homme de la rue (1941) Frank Capra
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L'homme de la rue (1941) Frank Capra
Tel épris qui croyait prendre
Si on voulait résumer l’œuvre de Frank Capra, on pourrait tout à fait prendre comme exemple L’homme de la rue. Tous les ingrédients sont là : un américain moyen (ici incarné par Gary Cooper et nommé John Doe, équivalent de notre « Monsieur lambda »), une philosophie humaniste quelque peu simpliste (résumée dans l’allocution radiophonique du héros), une histoire d’amour mise à l’épreuve, des confrontations idéologiques et des luttes de pouvoir. Mais ici, le propos est tout de même plus complexe qu’à l’accoutumée, plus désabusé même pourrait-on dire.
La situation de départ est déjà problématique : une journaliste (la charmante Barbara Stanwyck) invente une histoire à sensation pour éviter un licenciement : un homme doit se jeter du haut de la mairie le soir de noël car il est dégoûté de la vie. Seulement voilà, pour que son histoire soit crédible elle doit trouver un homme qui la personnifie. Quitte à mentir, autant le faire bien et elle va donc trouver un pauvre type qui n’a rien demandé à personne pour faire illusion. Évidemment, galvanisé par l’élan de solidarité que cette histoire provoque dans tout le pays, notre brave quidam va se prendre au jeu et y croire.
L’idée de base de L'homme de la rue (le titre en français n'est d'ailleurs pas très bon : le titre original, Meet John Doe, est plus parlant) est en soi très alléchante : faire appel à tout un chacun pour faire un geste envers son voisin et créer ainsi une union nationale libérée de toute intention politique ou syndicale. Reste que cette idée n’est mue que par l’ambition personnelle d’une journaliste, et que bien sûr de nombreuses personnes vont vouloir tirer parti de l’engouement collectif. Les mécanismes de manipulation des médias, mais aussi celle des hommes politiques, sont excellemment montrés et les diverses relations et conflits d’intérêt qui se nouent entre les personnages sont subtilement analysés.
On retrouve dans L'homme de la rue des acteurs qu’on a pu voir dans d’autres films de Frank Capra (Gary Cooper bien sûr mais aussi le très bon Edward Arnold ou bien Spring Byington). Le scénario qui s’inspire d’une nouvelle et d’un script inachevés est d’une complexité brillante et recevra d’ailleurs l’oscar du meilleur scénario original en 1942. Tourné en 1941, le film résonne pleinement des évènements politiques de l’époque (les États Unis vont entrer en guerre) et on ne peut s’empêcher de voir dans le personnage de D.B. Norton un symbole des divers personnages fascistes qui essayent de manipuler l’opinion publique de l’époque. Un symbole pourtant bien ancré dans la société américaine capitaliste ; est-ce à dire que le bon vieux modèle du rêve américain aurait des failles ?