Fleurs d’équinoxe (1958) Yasujiro Ozu
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Fleurs d’équinoxe (1958) Yasujiro Ozu
Le temps est assassin et emporte avec lui le rire des enfants
Le premier film en couleur de Yasujiro Ozu sera Fleurs d‘équinoxe, en 1958. Tout un symbole pour le réalisateur japonais traditionaliste, qui se méfiait de ce nouveau procédé : l’histoire du film relate le passage de relai de deux générations. Thème récurrent des films d’Ozu, la modernité et la façon dont la société japonaise évolue avec le temps sont des sujets qui occupent une place prépondérante dans Fleurs d’équinoxe. Sur une idée simplissime (la volonté d’une fille de faire un mariage d’amour), le récit se déroule tranquillement et Ozu filme le tout avec beaucoup de talent et de finesse.
Entre Tokyo et Kyoto, à la fin des années 1950, trois jeune femmes sont en âge de se marier. Fumiko a d’ailleurs quitté son père pour vivre avec l’homme qu’elle aime et devient serveuse. Son père s’en inquiète et va voir son ami Hirayama pour qu’il aille lui parler. Hirayama a un discours très libéral à ce sujet : il loue deux jeunes qui se marient par amour, soulignant qu’à son époque il n’a pas eu le choix. Pourtant quand sa fille lui annonce qu’elle compte épouser Taniguchi, un de ses collègue qui va bientôt être muté à Hiroshima, Hirayama est dévasté. Se sentant pris en traître, et ne connaissant rien du jeune garçon, le père va farouchement s’opposer au mariage de sa fille.
Une douce tranquillité se dégage de Fleurs d‘équinoxe. Le sujet est pourtant dur : les générations se suivent mais ne se ressemblent pas, et ne se comprennent pas. Les enfants n’ont qu’une hâte, abandonner leurs parents pour vivre leur vie, et les parents, qui ne veulent que le bien de leurs filles, ont le pouvoir de leur gâcher la vie. Pour comprendre ce changement des mœurs qui fait qu’une fille d’aujourd’hui (cette fleur d’équinoxe joliment baptisée dans le titre du film) a désormais tendance à vouloir voler de ses propres ailes, Yasujiro Ozu prend le parti du père.
Hirayama est le confident de bon nombre de ses amis qui on plus ou moins le même problème que lui ; c’est d’ailleurs au contact des autres qu’il va comprendre que sa réaction est peut-être disproportionnée. Du changement dans la continuité : voilà ce qui caractérise Fleurs d’équinoxe. Yasujiro Ozu profite parfaitement des avantages de la couleur : le rouge prédomine et les différentes ambiances du film sont impeccablement retranscrites. Mais la mise en scène du maître japonais n’en est pas pour autant chamboulée : les plans fixes magnifiques s’enchaînent tout autant, ainsi que cette caméra à hauteur d’homme qui fera sa réputation.
Si Shin Saburi obtient ici un de ses premiers grand rôle, Ozu reste aussi fidèle à ses acteurs et actrices. Kinuyo Tanaka, également magnifique chez Kenji Mizoguchi, incarne ici une mère pleine de tendresse et de respect envers son mari, mais qui n’hésite pas à lui dire ses quatre vérités (autre signe du changement des mœurs). L’éternel Chishu Ryu joue ici un père un peu triste et désabusé qui cherche à tout prix à regagner sa fille. Pierre angulaire dans l’œuvre d’Ozu en ce sens qu’elle incarne un renouveau, Fleurs d’équinoxe est un habile alliage de tradition et de modernité.