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Five easy pieces (1970) Bob Rafelson

Five easy pieces (1970) Bob Rafelson

Pubblicato 24 feb 2022 Aggiornato 24 feb 2022 Cultura
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Five easy pieces (1970) Bob Rafelson

Le flower power en questions

On considère souvent que Five easy pieces est un exemple typique du nouveau cinéma hollywoodien qui fleurit au début des années 1970. Pour mémoire, Easy ryder est sorti deux ans plus tôt et ces deux films ont en commun Jack Nicholson. On dit même que l'acteur aurait obtenu son rôle dans le film de Dennis Hopper par l'entremise de Bob Rafelson. Il tournera d'ailleurs en tout cinq films avec le réalisateur, dont Le facteur sonne toujours deux fois au début des années 1980. C'est en tout cas le début du succès pour Nicholson, qui sera nommé aux Oscars pour Five easy pieces. Nous ne nommerons pas ici le film sous son titre français, Cinq pièces faciles ; la référence originale est un ensemble de partitions à quatre mains, écrites par Igor Stravinsky dans un but pédagogique, initialement à l'égard de ses enfants.

Robert Dupea est un pianiste doué ayant grandi dans une famille bourgeoise de musiciens. Mais il s'est éloigné de son milieu et travaille comme foreur pétrolier en Californie. Le soir, il traîne avec son collègue et ami Elton, avec qui il joue au bowling, picole et drague des filles. Souvent en présence de l'épouse d'Elton et de Rayette, une serveuse aspirante chanteuse qui sort avec lui. Mais Elton ne sait rien des origines bourgeoises de Robert, et de ses talents de musicien. Un jour Elton se fait arrêter pour un vol commis un an plus tôt, et Rayette annonce à Robert qu'elle attend un enfant de lui. C'en est trop pour Robert qui pète un câble et part à Los Angeles retrouver sa sœur. Celle-ci lui annonce alors que leur père est mourant et l'invite à passer du temps dans leur maison de famille, dans l'état de Washington.

Effectivement, Five easy pieces est en phase avec son époque, ce début des années 1970 où les valeurs traditionnelles américaines sont remises en question par une nouvelle génération. Pourtant le personnage incarné par Jack Nicholson n'est pas si jeune, il a donc mûrement décidé de rompre avec un milieu avec lequel il ne sent plus du tout en accord. Une des scènes majeures du film se situe d'ailleurs dans la deuxième partie, où lors d'un dîner mondain une intellectuelle pérore sur l'art et dénigre frontalement le style de vie de la petite copine de Robert, qui n'est clairement pas du même milieu. Le malaise est prégnant et Bob Rafelson réussit brillamment à nous dépeindre l'enjeu sociétal qui structure le film. Cette scène peut aussi être mise en regard avec le début du film, où le personnage dénigre les « valeurs » de la middle class tout en ayant choisi de l'intégrer.

Le réalisateur avait déjà préparé le terrain lors du voyage en voiture du protagoniste, où une auto-stoppeuse hippie, un peu caricaturale (que Jack Nicholson voulait interprétée par Janis Joplin, ce qui n'a finalement pas été le cas) se perd dans une diatribe anti-consumériste assez savoureuse. Mais la pièce maîtresse de Five easy pieces reste tout de même Jack Nicholson. Il incarne ici un personnage en marge de son milieu, et qui ne trouve sa place nulle part. Il joue une partition tout en finesse, où son caractère bouillonnant surgit dans des accès de colère parfaitement maîtrisées. Irascible et lunatique, comme le lui reproche sa compagne, il est constamment partagé entre les valeurs de compassion et d'altruisme qu'on lui a inculquées et son penchant instinctif vers l'égocentrisme et la quête personnelle d'un bonheur qu'il ne sait pas nommer.

C'est peut-être de la part de Bob Rafelson un constat amer sur les aspirations d'une génération qui cherche des repères mais se fourvoierait dans les solutions qu'elle promeut. Rien n'est clairement explicité dans ce sens, mais les relations conflictuelles que le personnage masculin de Five easy pieces entretient avec la gent féminine peuvent laisser entrevoir une piste d'interprétation. Formelement, le film trace un sillon, comme plusieurs de ses road movies qui se développent durant le début des années 1970. Toutes ces œuvre accompagnent, dans la lignée des romans de la beat generation, des personnages en quête de sens, qui parcourent les  États-Unis. Ainsi la crise identitaire de Robert rejoint-elle celle de toute une jeunesse, et au-delà de ça d'un pays en crise, qui réinvente ses repères avec difficultés.

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