Potiche (2010) François Ozon
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Potiche (2010) François Ozon
La nostalgie au service de l’humour kitsch
C‘est assez agréable de voir un réalisateur se renouveler quasiment à chaque film. Depuis Sitcom, nous avons droit quasiment tous les ans au nouveau François Ozon, différent à chaque fois, tant au niveau du genre cinématographique abordé que de la qualité. On peut toutefois déceler un goût certain pour les adaptations théâtrales au cinéma, de Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, pièce de Rainer Werner Fassbinder, à Huit femmes. Ici encore ce sont deux auteurs des années 1970 qui sont à l’honneur avec ce Potiche, dont le rôle principal était initialement incarnée par Jacqueline Maillan. Les seventies sont très présents dans cette comédie vintage assez savoureuse.
Le début
Suzanne Pujol est une femme apparemment comblée. Elle fait son jogging tous les matins pour ensuite petit-déjeuner avec son mari, directeur d’une usine de parapluies. Celui-ci ne manque pas de l’humilier au quotidien, la rétrogradant incessamment dans son rôle d’épouse nunuche qui n’a pas son mot à dire, sous l’œil consterné de ses enfants Laurent et Joëlle. Seulement Robert Pujol a des ennuis avec ses employés qui dénoncent sa gestion pitoyable de l’entreprise. Quand ils décident de faire grève, une altercation les conduit à séquestrer leur patron. Affolée, la fidèle secrétaire Nadège se réfugie chez les Pujol pour les informer de la situation et tenter de trouver une solution.
Analyse
Une ambiance primesautière se dégage agréablement de Potiche. Beaucoup de sujets, plus ou moins grave mais toujours abordés de façon légère, sont déclinés plus ou moins sommairement, tels la condition de la femme, la situation des ouvriers, l’infidélité, l’homosexualité, et on en passe. Voilà une façon de dédramatiser les choses qui s’avère efficace. Tout comme ce parti-pris de François Ozon d’ancrer son film pleinement dans la fin des années 1970, tout en y distillant des petits détails anachroniques qui nous renvoient à l’époque actuelle, et certains remarqueront ainsi au passage des expressions comme « travailler plus pour gagner plus » ou le fameux « Chabichou ».
Ce travail d’orfèvre dans la reconstitution est d’ailleurs particulièrement réussi : des choucroutes capillaires au téléphone en fourrure en passant par les magnifiques tenues chamarrées des actrices et des acteurs, rien n’échappe à l’œil expert du réalisateur. Pourtant, sur le papier, Potiche accumule beaucoup de handicaps : des situations poussives aux interprètes qui surjouent, tout ça pourrait très bien sembler pesant. Mais pas du tout : François Ozon cultive l’art du vaudeville, respectant par là même le matériau d'origine qu'il exploite, tout en ne forçant pas le trait, et il rend tous ces personnages et ces situations follement attachants et quasiment réalistes.
Ainsi, nous sommes ici dans l’outrance théâtrale, tout comme on l’était avec Huit femmes, mais une impression de légèreté domine. L’accumulation de références y est pour beaucoup, de Jacques Demy et ses Parapluies de Cherbourg au duo composé de Catherine Deneuve et de Gérard Depardieu, et leur légendaire Dernier métro. Truffé de petits détails, Potiche bénéficie d’un casting très solide, mis à part Judith Godrèche qui en fait beaucoup trop, et ça se voit, et nous offre un charmant spectacle. Le seul tout petit bémol que l'on pourrait apporter est que l'intrigue s’étire peut-être un peu trop, surtout vers la fin, comme dirait l'autre, mais l'ensemble est tout de même très bien fait et ça fait du bien.