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Oranges  sanguines (2021) Jean-Christophe Meurisse

Oranges  sanguines (2021) Jean-Christophe Meurisse

Pubblicato 16 nov 2021 Aggiornato 16 nov 2021 Cultura
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Oranges  sanguines (2021) Jean-Christophe Meurisse

L’humour du désespoir 

Sélectionné en Séance de minuit au Festival de Cannes, Oranges sanguines ne laisse pas indifférent. Du reste, son réalisateur, Jean-Christophe Meurisse, est habitué à secouer les conventions. Avec sa troupe de théâtre Les chiens de Navarre, il produit des spectacles contemporains à l’humour corrosif et au propos politique souvent affûté. Il invita ses interprètes à intégrer son projet cinématographique Apnée, une variation fantaisiste sur le thème du couple et de la société, qui est sélectionné à la Semaine de la critique. Aidé entre autres par sa compagne et collaboratrice de long terme Amélie Philippe, il écrit alors le scénario d’Oranges sanguines en s’inspirant de plusieurs faits divers qui ont eu lieu à travers le Monde. Il intègre à son casting, en plus de ses actrices et ses acteurs habituels, plusieurs figures identifiées par le grand public. Ainsi Denis  Podalydès, Blanche Gardin, Vincent Dedienne ou bien Ghislaine Londez vont-ils y interpréter des rôles plus ou moins consistants.

Les membres du jury d’un concours de rock se réunissent pour départager les candidats. Ils débattent sur chacun des couples, s’autorisant à émettre des avis qui parfois s’éloignent du caractère purement technique de leur performance. Ainsi vont-ils digresser à partir d’une participante qui souffrait visiblement d’un handicap, se demandant si elle ne devrait pas concourir dans une catégorie plus spécifique. Les esprits s’échauffent et les débats politiques ne sont pas bien loin, malgré les alertes du responsable de l’épreuve, qui toutefois leur recommande de faire preuve d’ouverture, afin de bien mettre en avant dans leur choix l’ensemble des catégories, en particulier en termes d’âge. Lors de l’épreuve, deux des candidats sont d’ailleurs un couple de retraités qui font sensation auprès du public, et qui finissent troisième du classement. Dans l’assemblée figure leur fils, un avocat parisien qui, la veille, signifiait à son amante le mépris qu’il ressentait envers ces manifestations « provinciales ».

La première partie d’Orange sanguine déborde d’un humour corrosif, décalé et souvent déstabilisant. Chacune des scènes est construite en crescendo, et des répliques improbables fusent avec un rythme soutenu. Ainsi, la séquence d’ouverture met-elle le spectateur directement dans l’ambiance, la tonalité des échanges basculant tout doucement, sans que l’on sache où se situe la vision du réalisateur. C’est que Jean-Christophe Meurisse refuse toute forme de manichéisme et s’efforce de présenter de nombreux points de vue, non pas dans une visée politiquement correcte mais plutôt pour faire ressortir l’absurde des dialogues. La frontière entre l’acceptable et l’outrancier est sans cesse en mouvement, et à travers un humour grinçant le metteur en scène questionne une société où la parole circule tellement librement qu’elle en devient parfois indécente. La figure du politicien est à cet égard symptomatique, et c’est d’ailleurs un très bon choix de ne pas avoir signifié clairement son orientation politique.

Le message politique, au sens strict du terme, d’Orange sanguine, est perceptible au-delà du personnage de ce ministre aux comportements peu déontologiques. Chacune des actions des protagonistes de ce récit éclairent le débat sur la vie de la cité, sans bien entendu conférer au film un aspect de brûlot ni de documentaire sociétal. Toutefois, le basculement opéré au milieu du long-métrage peut laisser à penser que Jean-Christophe Meurisse souhaite orienter son œuvre du côté de la morale. D’une façon très élégante, un carton nous fait entrer dans cette nouvelle dimension, au travers d’une célèbre citation d’Antonio Gramsci. La seconde partie du film est d’une radicalité rare et n’est pas forcément à conseiller aux âmes les plus sensibles. On se retrouve alors dans un univers où se mélangent les influences de Quentin Tarantino, de Dikkenek et de Claude Chabrol. La construction des scènes est une fois de plus très étudiée, entre une longueur savamment de dosée et un effet de surprise toujours aussi pertinent.

Ainsi la mise en scène et le montage d’Orange sanguine sont-ils brillamment exécutés, et finement mélangés avec un jeu habile avec le naturalisme. Car Jean-Christophe Meurisse est un adepte de l’improvisation, ce qu’il rend apparent dans de nombreuses séquences. S’il laisse traîner les moments de tension, il en fait de même pour les dialogues, où il laisse souvent libre cours à ses actrices et à ses acteurs. Certaines discussions sont coupées, d’autres conservées in extenso, ce qui donne une impression de liberté parfois déroutante mais au final appréciable. Soulignons une interprétation de haute tenue, où se mélange la cohérence d’une troupe qui se connait bien et la spontanéité des autres, dont la qualité de jeu n’est pas à démontrer. Christophe  Paou se montre étonnant, et si on est au début gêné par l’artificialité de sa diction, on comprend très vite que cela nourrit son personnage. Sans compter la participation pertinente de membres des Deschiens ou les caméos efficaces de Vincent Dedienne ou de Blanche Gardin. Et n'oublions pas la reprise de Wonderful life par Tom Smith et Andy Burrows, déjà entendu dans la série Peaky blinders, et qui clôt le film de façon impeccable.

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