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Le temps des luttes (2021) Andrea Adriatico

Le temps des luttes (2021) Andrea Adriatico

Pubblicato 13 mar 2021 Aggiornato 13 mar 2021 Cultura
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Le temps des luttes (2021) Andrea Adriatico

Naissance d’un mouvement

Comme de nombreux films, Le temps des luttes a connu une distribution perturbée à cause de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Le film, qui raconte la vie du militant italien Mario Mieli, fut présenté à l’automne 2019 lors du Festival international du film de Rome, et devait sortir en Italie à l’occasion de la commémoration de la mort du protagoniste, le 12 mars 2020. Reporté, il sera finalement présent dans les salles à l’été, puis prévu dans le programme du Festival Chéries-Chéris, lui-même annulé en novembre 2020. Le festival en ligne Queerscreen, qui a lieu du 12 au 21 mars 2021, nous donne l’occasion de pouvoir le visionner en avant-première, avec sa sortie en DVD le 18 mars. Il nous permet de suivre la trajectoire d’un homme libre qui, durant les années 1970, a lutté pour les droits LGBTQI en Italie. Né à Milan dans une famille bourgeoise, juive d’origine égyptienne, ce jeune homme qui s’habillait en femme a passé son temps à vouloir déconstruire les normes.

Dans un collège milanais, une professeure rend les dissertations de ses élèves, dont le sujet était « L’histoire de ma vie ». Mario y racontait qu’il vient d’une famille de notables juifs originaires d’Alexandrie ; il conclut son essai en écrivant que l’on peut l’appeler Maria. En sortant de cours, il va au toilettes pour mettre un tissu à la taille, qu’il porte comme une jupe et auquel il accroche une broche. Puis il va dans un café où il croise deux religieuses, à qui il dit qu’elles devraient porter plus de vêtements colorés. Il traîne avec des amis poètes, avec qui il aime déclamer des vers, parler politique, danser, boire, fumer et faire la fête, puis va dans des lieux de drague pour trouver des mecs d’un soir ou d’un moment. Chez lui, l’ambiance est beaucoup plus sérieuse : son père, industriel, et son frère, qui reprend petit à petit l’entreprise familiale, font régner une atmosphère pesante lors des repas où Mario se plaît à dénoter et à casser l’ambiance. 

C’est un portrait pointilliste que nous dépeint Le temps des luttes. Le film nous trace à gros traits plusieurs tableaux de la vie de Mario Mieli, passant d’un moment à l’autre sans transition, et n’accordant pas la même durée à l’une ou l’autre des périodes de la vie du militant. Nous allons ainsi le suivre de ses dix-huit à ses trente ans, de Milan à Londres en passant par San Remo, de collège en squat en passant par une institution psychiatrique. Tous ces éléments vont finir progressivement par forger cette figure complexe et néanmoins majeure de l’histoire des luttes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles, queers et intersexes de l’Italie. Si ces notions n’étaient dans les années 1970 pas aussi clairement identifiées qu’aujourd’hui, ce sont des voix comme celle de Mieli qui vont faire en sorte qu’elles le deviennent.  Le réalisateur Andrea Adriatico passe ainsi d’un moment plus ou moins charnière à l’autre, insistant plus sur les récitations de poèmes et à l’élaboration des idées qu’à la vie elle-même.

Verbeux, Le temps des luttes laisse le champ libre à la parole, au risque de nous enivrer et de parfois s’avérer redondant. Le film pourrait tout à fait être raccourci qu’il n’en perdrait pas de sa substance et y gagnerait en concision, évitant ainsi de nous perdre dans quelques circonvolutions inutiles. Il a au moins le mérite de nous présenter le parcours d’un homme à la manière d’un kaléidoscope, avec sa grandeur et ses moments de gloire, mais aussi avec ses failles et ses ruptures. Mario Mieli a toujours défendu les libertés : celle de s’habiller comme on veut, celle de coucher avec qui on veut, celle de vivre sa vie selon ses propres règles. On imagine combien partager la vie d’un tel homme doit être exaltant, mais aussi épuisant, d’autant plus si on ajoute l’instabilité psychique dont il était victime. Le long-métrage rend relativement bien compte de ces ambivalences, bien qu’il occulte une partie de sa pensée et de son discours, celle qui concerne la pédophilie, dont il était défenseur, comme tant d’intellectuels de cette époque.

Le film d’Andrea Adriatico vaut ainsi surtout pour la peinture d’une époque et d’un milieu. Situé en plein cœur des années 1970, Le temps des luttes adopte son esthétique, et il réussit assez bien la retranscription temporelle et spatiale d’une époque où l’on revendiquaient des libertés de Milan à Londres et où les combats féministes et homosexuels se faisaient conjointement. Il montre aussi justement combien les revendications marxistes étaient souvent portées par des femmes et des hommes issus de la bourgeoisie, accentuant leurs contradictions et mettant parfois en exergue leurs paradoxes. C’est dans ces milieux aisés que l’on découvre, comme dans ces scènes familiales, des tantes excentriques comme on peut aussi en voir chez Ferzan Özpetek, pleines de bienveillance dans leurs silences qui en disent beaucoup. Et Nicola Di Benedetto de porter avec aisance et élégance les tenues qu’elles lui prêtent, accentuant sa singularité et marquant le film de son indépendance farouche.

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