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Brooklyn secret (2020) Isabel Sandoval

Brooklyn secret (2020) Isabel Sandoval

Pubblicato 27 giu 2020 Aggiornato 27 giu 2020 Cultura
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Brooklyn secret (2020) Isabel Sandoval

Désir d’intégration au pays de l’Oncle Sam

La trajectoire de Brooklyn secret fut chaotique avant sa sortie dans les salles françaises. Le film est né de la volonté de sa réalisatrice Isabel Sandoval d'évoquer la trajectoire singulière des immigrées philippines aux États-Unis. Elle-même fait partie de cette diaspora, et pour son troisième film elle a choisi d'interpréter le rôle principal. Cela n'est pas anodin puisque Olivia est en outre transgenre, et la réalisatrice a choisi de raconter cette histoire peu après sa propre transition. Installée à New-York, elle est aujourd'hui reconnue par la critique, et le Museum d'art moderne la considère comme une des cinéastes philippines les plus en vues du moment. En 2019, le film a fait le tour de plusieurs festivals, en particulier en Europe et en France, où il reçu le Grand prix au Festival Chéries-Chéris. Il aurait ensuite dû sortir dans les salles hexagonales mi mars quand l'épidémie de Covid-19 a changé la donne. C'est ainsi tout naturellement que son distributeur JHR Films a choisi de le lancer début juillet.

Au téléphone avec sa mère, qui vit aux Philippines et s'inquiète pour sa fille habitant Brooklyn, Olivia lui promet qu'elle va lui envoyer de l'argent dès que possible. De son côté, Alex commence sa première journée de travail dans un abattoir, où il est assigné à une zone particulièrement sensible. Alors qu'il vient d'arriver en ville, il est engagé par son oncle, qui lui dit clairement qu'il ne peut le prendre pour l'instant qu'en en période d'essai, et qu'il ne le fait qu'à la demande de sa mère. Tandis qu'elle s'occupe du linge, Olivia reçoit un coup de téléphone de son employeuse, Olga, une vieille dame qui perd la mémoire. Désorientée, elle ne sait plus où elle est et Olivia parvient à la rassurer. Elle la convainc également de s'habiller pour aller dîner avec son petit-fils, Alex, qu'elle n'a pas vu depuis presque un an, ainsi que l'ensemble de la famille. Le soir, il l'accueille et prend soin d'elle durant le repas, tandis que chez elle, Olivia se masturbe avec un vibromasseur.

Plusieurs thématiques se mêlent assez habilement dans Brooklyn secret. Celle qui se dégage en premier semble être la dimension politique. Le film met en scène un groupe d'immigrées philippines dans les États-Unis contemporains. C'est déjà un parti-pris que de représenter une communauté qui n'a pas souvent voix au chapitre, non seulement parce que les réalisatrices et les réalisateurs philippin-e-s ne sont pas si nombreu-se-x, et car les exilé-e-s philippin-e-s ne sont pas forcément visibles. De plus, on ne peut évoquer l'immigration actuellement aux États-Unis, sans brosser un portrait politique actuelle de la nation. Et le film le fait très subtilement, en citant des morceaux de discours de politiciens américains, dont forcément Donald Trump, et en les tronquant. Le fait d'interrompre la parole à ce moment met ainsi en avant non seulement la vacuité de ces paroles mais aussi leur manque de pertinence. Ce dont ont besoin les protagonistes du film, c'est certes de la reconnaissance politique mais surtout du lien social.

Car c'est un autre aspect abordé par Brooklyn secret. L'enjeu primordial d'Olivia, qui fait avancer l'intrigue principal, est l'obtention de sa carte verte. Forcée à quitter son pays natal, elle se retrouve sans papiers aux États-Unis, et bien qu'elle travaille, sa régularisation passe par un mariage. Elle va ainsi tenter de tisser du lien avec plusieurs hommes, qui vont lui promettre un mariage blanc et la faire espérer. Jusqu'à ce qu'elle rencontre Alex, avec qui elle va ressentir une attirance qu'elle va découvrir réciproque. L'histoire d'amour en germe est ainsi très délicatement dépeinte par Isabelle Sandoval, tout comme le reste des interactions que notre héroïne va développer. On retient en particulier la douceur avec laquelle elle prend soin d'Olga, magnifique personnage brillamment interprété par Lynn Cohen, décédée en février 2020. Les rapports qu'Olivia entretient avec ses compatriotes, exilées comme elle, sont tout aussi fins, un doux sentiment de sororité se dégageant des quelques scènes qui les mettent en scène.

Le troisième thème dont parle Brooklyn secret, de façon très juste, est la transidentité. Isabel Sandoval, à la fois devant et derrière la caméra, étant elle-même une femme transgenre, elle maîtrise son sujet. Cet aspect est traité de façon très délicate, sans les habituels poncifs auxquels on peut s'attendre dans de nombreux long-métrages. L'identité de genre de l'héroïne n'est qu'un des aspects de sa personnalité, et même si cela interviendra dans sa relation avec Alex, ce ne sera pas l'objet principal de leur désaccord. Le nœud du problème est plutôt déplacé par le mensonge du jeune homme, et la cruauté dont il abuse envers Olivia. La prestation toute en nuances d'Eamon Farren, que l'on avait pu apercevoir dans l'excellente troisième saison de Twin Peaks, est à ce titre remarquable. Il parvient assez justement à retranscrire le trouble progressif que ressent Alex. Isabel Sandoval n'est pas en reste, elle nous offre une prestation toute en douceur, à l'image de sa mise en scène délicate.

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