Blade runner (1982) Ridley Scott
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Blade runner (1982) Ridley Scott
Les androïdes ne rêvent pas de moutons électriques
Dire que Blade runner a révolutionné l’univers de la science-fiction relève de la lapalissade. Nombre de réalisateurs, de Steven Spielberg à Luc Besson en passant par Alex Proyas s’en sont inspirés dans certaines de leurs œuvres respectives. Mais parler de genre cinématographique en évoquant la science-fiction n’est pas vraiment légitime : qu’ont en commun Solaris et Demolition man sinon de se dérouler dans le futur ?
C’est là que Ridley Scott est un petit malin : après avoir épaté les fans de SF avec Alien, le huitième passager il lui prend la folle idée d’adapter un roman culte de Philip K. Dick, Do Androids dream of electric sheep. Résultat des courses, tollé des fans de l'auteur à la sortie de Blade Runner, et accueil plus que mitigé des critiques de l’époque. C’est que Ridley Scott mélange ici le film d’action et de réflexion, deux genres qu’on pense alors antinomiques.
L’histoire de Blade Runner se déroule dans un Los Angeles futuriste, où les hommes ont créés des androïdes pratiquement humain, au visage parfait, mais leur ont ôté une seule chose, la capacité de ressentir des émotions. Ils les utilisent comme esclaves pour coloniser d’autres galaxies ; quand certains se rebellent, on fait appelle au blade runner pour les exterminer (pardon : les « retirer »).
C’est indéniable, Ridley Scott réalise ici parfaitement son pari. Blade runner est sous ses allures de policier teinté d’action un film profond et esthétiquement bluffant. Les décors sont absolument prodigieux, mention spéciale étant faite au désormais célèbre immeuble qui abrite l’appartement de Sebastian. L’ambiance du film est poisseuse, il y pleut tout le temps, les ruelles sont malfamés et l’on y croise toute sorte d’individus. D’ailleurs pour l’anecdote, Rick Deckard aurait été inspiré par Philip Marlowe, le célèbre détective de Raymond Chandler.
Les inspirations de Ridley Scott ne se limitent donc pas à la science fiction, son scénario non plus d’ailleurs : si la première version de Blade Runner (merci la Warner…) était marquée par une simplicité toute hollywoodienne qui ravage beaucoup trop de films du genre, la version originelle est toute autre. Les premières phrases contiennent en germe tout le dilemme : les humains ont créés des êtres qui leur sont supérieurs pour les mettre en esclavage et leur refuser toute longévité (leur durée de vie est de quatre ans). Il suffit d’une rébellion pour que la machine s’enraye et que les tout puissants créateurs n’hésitent pas à supprimer bassement leurs « choses ».
Et avec le personnage incarné subtilement par Sean Young la duplicité de l’opération apparaît au grand jour : cette androïde à qui l’ont a implanté des souvenirs factices n’a théoriquement pas droit aux sentiments ; et si l’amour qu’elle éprouve envers Deckard (Harrison Ford dans un de ses rôles les plus marquants) était sincère ? De même, la relation entre Sebastian, le créateur, et le personnage joué par Rutger Hauer mérite toute notre attention : du démiurge isolé et vieillissant précocement ou de l’androïde rejeté qui connaît à l’avance la date de sa mort prochaine, lequel est le plus à plaindre ? On pourrait s’attarder bien longuement sur les richesses d’analyse de Blade runner et on est en même temps pris par la beauté saisissante des images, par le souffle de la mise en scène, par la magie du cinéma.