Aimez-vous Brahms... (1961) Anatole Litvak
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Aimez-vous Brahms... (1961) Anatole Litvak
Une femme aux abois
Si il y a bien un film qui porte bien son nom c’est Aimez-vous Brahms... Autrement dit si vous n’aimez pas les compositions de Johannes Brahms, passez votre chemin. La musique du compositeur allemand est tellement omniprésente qu’elle finirait presque par dégoûter de sa pourtant magnifique Symphonie numéro 3, ici rabâchée à l’envi et dans toutes ses formes possibles et imaginables. Bref, c’est un des multiples petits agacements qu’on peut ressentir devant cette adaptation un peu plate du roman de Françoise Sagan. Pourtant le projet semblait attractif, avec Anatole Litvak aux manettes et le trio Ingrid Bergman - Anthony Perkins - Yves Montand devant la caméra.
Le personnage principal est Paula, une décoratrice d'intérieur de quarante ans qui, après avoir vécu un mariage malheureux, se voit délaissée par Roger, un amant volage. Elle se laisse peu à peu séduire par un jeune homme de vingt-cinq ans, Phillip, le fils d'une de ses riches clientes. Drôle et enjoué, il lui fait rapidement la cour et semble sincèrement amoureux d'elle. Passant de plus en plus de temps avec lui, elle se rend bien compte de ces sentiments mais hésite à donner suite, car elle demeure attachée à Roger. C'est un dilemme terrible qui prend forme pour cette femme d’entre deux âges, soudainement tentée par une passion sincère mais qui a peur du qu’en dira-t-on.
Si au début des années 1960 le sujet d’Aimez-vous Brahms... avait de quoi choquer les pudibonds, il faut bien avouer qu’aujourd’hui il ne ferait pas de grandes vagues. Entre temps est passé Le Lauréat ou autre Harold et Maud, qui ont fouillé de manière plus profonde la question d'une liaison entre une femme plus âgé que son amant. Le roman de Françoise Sagan est du reste tout à fait osé, et creuse beaucoup mieux cet aspect que ne le fait le film. Est-ce dû au format d'une production internationale comme il y en avait beaucoup à l'époque, le long-métrage semble figé. Et malheureusement Anatole Litvak, réalisateur d’origine russe à la carrière un peu terne, ne passe à côté d’aucun cliché pour enfoncer son clou.
Entre une mise en scène très plan-plan, un scénario cousu de fils blancs et les inlassables poncifs sur Paris, Aimez-vous Brahms... ne décolle pratiquement jamais. Certes c'était une gageure que d'adapter un roman où il ne se passait pas grand chose, mais il aurait mieux fallu approfondir le caractère psychologique de ce trio inabouti. Las, les situations sont très conventionnelles, les personnages sont ultra stéréotypés et passent du french lover français, vu et revu, incarné par un Yves Montand dont il est tout à fait justifié de largement préférer les apparitions chez Claude Sautet, à l’amoureux transi que joue un Anthony Perkins tellement littéralement qu'il en devient exaspérant de bêtise.
Reste un superbe rôle principal offert à Ingrid Bergman, mûre et épanouie. On ne s’étonnera d’ailleurs pas que dans une intrigue inspirée par Françoise Sagan ce soit le personnage principal féminin qui soit le mieux esquissé. Bergman prend à bras le corps et avec beaucoup de nuances ce rôle, apportant tout son charme et sa fragilité à une femme en quête d’absolu mais malgré tout enferrée dans des codes sociaux dont elle n’arrive pas à se défaire. S’il n’y avait ce joli portrait de femme, Aimez-vous Brahms... pourrait passer pour un navet qu’on pourrait vite oublier. On se demande après coup comment le Festival de Cannes a pu passer à côté, attribuant pourtant à Anthony Perkins le Prix d'interprétation masculine.