Adoration (2019) Fabrice du Welz
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Adoration (2019) Fabrice du Welz
Le petit chemin
Mine de rien, Adoration est le sixième film officiel de Fabrice du Welz (le cinquième si on ne tient pas compte de Colt 45, film de commande plus ou moins assumé par le réalisateur belge). Il clôt une trilogie initiée par Calvaire et poursuivie avec Alléluia. Le premier, présenté à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, mettait en scène Laurent Lucas en chanteur de charme séquestré, en butte à une communauté de villageois aux mœurs inhabituelles. Le deuxième reprenait le même acteur, l’embarquant dans une histoire d’amour non conventionnelle. Le comédien joue un rôle secondaire dans ce troisième volet d’une trilogie des Ardennes où le fantastique n’est pas bien loin. Le réalisateur semble ainsi jouer de film en film avec les genres, prenant les spectateurs à contrepied et ne cachant pas ses inspirations, ici aussi bien le Candide de Voltaire que La nuit du chasseur de Charles Laughton.
Le début
Perché sur son arbre, Paul construit une cabane quand il entend un petit bruit en bas. Par terre, il recueille un oisillon prisonnier d’une toile de fils que l’adolescent s’évertue à couper un à un pour libérer l’animal, qu’il recueille dans sa chambre. Il habite dans une demeure qui sert d’hôpital psychiatrique où sa mère travaille. Le soir, il la rejoint dans sa chambre pour lui faire la lecture et elle s’endort assez vite. Paul fouille alors dans la commode pour y trouver la photo d’un homme. Le lendemain le garçon se trouve au milieu du jardin lorsqu’une jeune fille lui rentre dedans, tentant d’échapper à des aides-soignants. Il tombe alors sous le charme de cette Gloria, pensionnaire de l’institution de qui sa mère se méfie. Voyant son fils rôder autour de la chambre de l’adolescente, elle interdit à Paul de lui parler, lui expliquant que Gloria est malade et que, pour son bien, elle ne doit avoir que très peu, voire pas de contacts avec l’extérieur.
Analyse
Clairement, Adoration est un petit film, fragile et atypique dans la production cinématographique. D’une part, on sent bien que le budget n’est pas faramineux, au vu de ses têtes d’affiche, les deux figures les plus connues, Benoît Poelvoorde et Laurent Lucas ayant sans doute participé plus par amitié que pour le cachet. D’autre part, un certain sens de la fragilité des éléments se dégagent du long-métrage. À l’image du petit oiseau que le personnage principal récupère au début du film, on sent que c’est une œuvre à encourager, à laquelle il faudrait prendre soin. On est loin du blockbuster qui nous viendrait d’outre-Atlantique, mais aussi des productions francophones traditionnelles. L’étrangeté qui s’empare de la fiction qui nous est proposée déstabilise un peu le spectateur, pas habitué au mélange des genres qui s’opère. À la fois film d’apprentissage et onirique, la violence de certaines scènes perturbe un peu le visionnage, en tout cas intrigue.
Ce n’est d’ailleurs pas tant de violence dont fait preuve Adoration mais plutôt de soudaineté. L’irruption de comportements que l’on n’aurait pas pu, ou pas su, anticiper, nous cueille un peu et nous prend au dépourvu. Le sentiment mitigé que l’on ressent en sortant de la séance provient peut-être de ce qu’on a du mal à classifier le long-métrage. Au début du film, on pense un peu aux vieux longs-métrages de tradition française, dont Le grand chemin a pu faire écho dans les années 1980. Petit à petit, et c’est en grande partie lié au comportement peu habituel de la jeune fille, rapidement victime de ses propres démons, on se dit que l’œuvre tend à se rapprocher d’un certain type de cinéma fantastique, où les repères des personnages glissent progressivement. La dernière partie du film, qui se termine un petit peu en eau de boudin, renforce se sentiment d’étrangeté, avec l’introduction de ce personnage solitaire incarné par Benoît Poelvoorde.
Les personnages, tout comme les actrices et les acteurs d’Adoration, sont d’ailleurs tout autant étonnants que les péripéties qu’elles et ils traversent. Le jeune Paul, incarné par le Thomas Gioria de Jusqu’à la garde, possède une telle naïveté qu’on a du mal à lui donner un âge. Au début, on pense qu’il est loin de se projeter dans l’âge adulte et plus la narration progresse, plus on se rend compte, en particulier au travers de la relation qu’il développe avec Gloria, qu’il en plein dans l’adolescence. La jeune fille quant à elle étonne par sa maturité, d’autant plus qu’elle nous est présentée comme un personnage psychologiquement instable, ce que le spectateur a au départ du mal à croire. Ce sentiment est d’ailleurs crucial puisque nous sommes plus ou moins contraints de prendre parti entre le monde des enfants et celui des adultes. L’enjeu étant d’ailleurs celui de se jeter à corps perdu dans une histoire d’amour un peu folle ou bien de demeurer dans un monde plus normé, plus rassurant.
William Gosset 2 anni fa
Bonjour Jean-Philippe,
Merci pour votre publication. Je voulais vous suggérer de ne mettre qu'un mot par tag, comme "film" et "fantastique" par exemple, à la fin de votre article.
Cela permet à vos lecteurs de vous retrouver plus facilement sur Panodyssey.
Je vous remercie.