Apprendre à danser sous la pluie
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Apprendre à danser sous la pluie
Louise Feron, Tomber sous le charme, Pascale Feron/Dominique Laboubée, Virgin, 1988.
Cette chanson-là, c’est un vrai gros morceau de poésie rock, avec une entrée en matière magistrale qui voit s’enchaîner un arpège de guitare électrique, rejoint par de l’harmonica, puis de la batterie, avant que la voix de la chanteuse n’emboîte à son tour le tempo.
« Comme le funambule casse son balancier
Et pour défier le sort marche les yeux fermés
Je regardais sans voir les pendules arrêtées »
Et nous voilà lancés au cœur d’une marche évanescente, en proie au vertige, attirés par le vide et le désir fou de voir tout brûler.
C’est Dominique Laboubée qui a composé la musique. Dans une vie parallèle, il est également guitariste des Dogs, groupe incontournable de la scène rock underground française. Le son qu’il a su inventer pour accompagner la chanson parle pour lui, comme une signature. Et c’est John Cale qui a produit l’album sur lequel figure cette chanson dans une version plus travaillée, moins brute que la version single.
Louise Feron a quant à elle écrit les paroles, qu’elle a signées de son vrai nom : Pascale Feron. Il y a là une beauté intense et tragique. Par la précision de son écriture, elle fait défiler une galerie de personnages énigmatiques (funambule, enfant de la balle, voyeuse éclairée, poupée cassée, guerrier fourbu) et égrène les figures acrobatiques sans trop en faire, comme une patineuse capable de nous faire oublier par sa grâce seule les heures d’entraînement laborieux le temps d’une représentation. La voix est aussi au niveau, elle est suave et sait tout autant jouer des graves que des aigus.
« Je me voulais sans haine et sans pitié »
Force dure, froide.
« Tomber sous le charme comme sous la mitraille
Rire en voyant ma vie quitter ses rails »
Accepter une touche de folie, accepter que tout se dérègle, et même s’en réjouir, adhérer de façon spontanée à la philosophie délicate de Sénèque, ne pas espérer la fin de l’orage mais apprendre à danser sous la pluie, accepter la tempête, accepter de Tomber sous le charme, telle est l’ambition de la chanteuse. C’est le Joker qui rit de son propre malheur et de sa folie, à s’en faire mal, qui rit à en crever.
On peut écouter ce morceau ici, sur bide et musique