L’Aventurier et la charmeuse de serpents
On Panodyssey, you can read up to 30 publications per month without being logged in. Enjoy29 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
L’Aventurier et la charmeuse de serpents
Fuis Lawrence d’Arabie, Annabelle.
Désolé pour les inconditionnels d’Omar Sharif, mais cette chanson n’a rien à voir avec la bande originale du film de David Lean, nous sommes d’ailleurs mis en garde par une note au dos de la pochette du 45 tours, qu’on n’aille pas accuser les disques Carrère de malhonnêteté :
« Cette chanson n’a évidemment aucun rapport avec la bande originale du film « Lawrence d’Arabie », musique de Maurice Jarre », c’est dit, passez votre chemin. En même temps, on se doutait bien que les producteurs du film n’auraient pas attendu 25 ans avant de publier la BO. Au bout d’un certain temps, trop d’attente ne stimule plus la curiosité, elle l’assassine.
La chanson Natalie Wood de Jil Caplan ne parlait déjà pas de l’actrice (voir l’article ici), idem pour Bette Davis Eyes de Kim Carnes (voir ici), mais ces trois exemples nous montrent bien que chanson et cinéma sont deux arts qui se nourrissent en permanence l’un de l’autre. Leurs imaginaires se répondent.
Fuis Lawrence d’Arabie sort en 1987 chez Carrère, paroles de Jean-Paul Blanc, musique de Jacques Lennoz. Elles est interprétée par une certaine Annabelle, qui n’est autre que la fille de Marcel « comme un p’tit coquelicot » Mouloudji. Le titre connaîtra un certain succès à l’époque, se hissant à la douzième place du Top 50. Il y est question du désert :
« Soleil de poudre, vagues de lumière
…
Scorpions qui dansent »
Et de chevaux :
« Ton pur-sang dans le sable se traîne
…
Cavalier blême »
Mais on se sait pas trop de quoi ça parle vraiment. A début, la chanteuse semble regarder un cavalier s’évanouir dans le lointain :
« Ton pur-sang disparaît et je t’aime ».
Puis on dirait qu’elle est en chemin avec lui :
« Je suis mon bel aventurier ».
Enfin on dirait qu’il revient vers elle :
« Je guette un homme venu se perdre
Où je me suis cachée ».
Si bien qu’on ne sait plus trop qui est où. La géographie de Fuis Lawrence d’Arabie est assez floue, comme les volutes ondoyantes levées par la chaleur du soleil en plein désert, comme si le parolier avait lui-même pris un petit coup de chaud et qu’il était en proie aux divagations provoquées par des mirages. On est à la croisée de L’Aventurier d’Indochine, « égaré dans la vallée infernale », et de Regarde bien petit de Jacques Brel, « sur la plaine là-bas à hauteur des roseaux, entre ciel et moulin, y a un homme qui vient ». Bob Morane, Don Quichotte et Lawrence d’Arabie même combat, même royaume pour même cheval.
Côté musique, sur un beat très électro aux harmonies orientalisantes, la voix haut-perchée d’Annabelle déroule ses envoûtements de charmeuse de serpents. Tout est bien en accord.
Côté image, il y a cette trace de peinture bleue en forme de main posée sur l’épaule d’Annabelle, et un motif évoquant une peau de reptile sur un bandeau vertical et tout le dos de la pochette. Il faut il y lire un message sans doute, quelque chose à voir avec les rites pariétaux, l’hypnose, l’Inde, le désert, le tatouage. Les graphistes ont bien saisi le délire ambiant et tout est cohérent : la voix, la musique, la production, les paroles et la photographie, tout est raccord, tout est parfait.
La chanson, en écoute surbide et musique