Au Club-a-gogo
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Au Club-a-gogo
Bravo à Luce, qui a su mettre fin à un suspense insoutenable avec une insouciance et une légèreté telles qu'elles s'apparentent à de la grâce.
Thierry Hazard, donc, qui a commencé sa carrière dans le groupe GPS :
Poupée psychédélique (T. Hazard), Epic, 1988, CBS, 1989.
Le Jerk (T. Hazard), CBS, 1989. A retrouver ici.
Un jour c’est oui, un jour c’est non (T. Hazard), Columbia, 1991.
Les Brouillards de Londres (T. Hazard), Columbia, 1991. Ici.
Pop Music, album, Columbia, CBS, 1990.
Je ne mets pas tous les liens, ou gare à l'indigestion.
Liste non exhaustive, basée sur ma collection personnelle, comme d’habitude.
Rappel des faits
En 1990, j’étais à l’école primaire, et c’était le Jerk partout : le Jerk dans le car scolaire, le Jerk à la télé, le Jerk à la radio, le Jerk sur des cassettes, le Jerk dans les boums des colos (je continue?), le Jerk partout, tout le temps. Alors comment une chanson vantant les mérites expiatoires d’une danse éphémère et oubliée depuis plus de vingt ans a-t-elle pu devenir un tel succès (27 semaines au Top 50, plus de 500 000 exemplaires écoulés) ? Mystère. Une enquête est en cours, pilotée par mes soins.
Contrôle H
Après l’aventure GPS, Thierry Gesteau adopte le nom de Hazard pour se lancer en solo, d’abord sans trop de réussite. Poupée psychédélique sort une première fois en 1988. La chanson se tient entre l’inventaire signé Dutronc et Gainsbourg (« elle a un bras mécanique, des joints en plastique, une pince de homard électronique ») et le dressing de la p’tite Lady de Vivien Savage (« avec ses boots en peau de serpent, ses collants roses fluorescents, sa mini-jupe en skaï »).
« Elle a des bottes extensibles
Et une ceinture inoxydable
Une mini-jupe amovible
Et un T-Shirt biodégradable
Elle a un short réversible
Et des faux-cils interchangeables
Un bikini insubmersible
Et une veste en simili véritable »
Le « simili véritable » me fait penser aussi à Renaud, décrivant la Tire à Dédé :
« Le volant en faux bois, les banquettes en vrai skaï »
La vague
L’année suivante sort Le Jerk et c’est le tsunami. Pourtant, il n’y a là rien de plus à priori que « mais toutes les chansons racontent la même histoire ». Si ce n’est qu’il y a la manière… L’histoire, justement, c’est celle de deux prolos coincés dans leur travail à la fin des années 80, lui à l’usine (nous l’appellerons Roger, ça tombe bien, c’est aussi le nom que lui a donné Thierry Hazard), et elle derrière un bureau à guetter la sonnerie les yeux rivés sur le cadran de sa montre (ce sera Joséphine). L’exutoire, c’est le Club-à-Gogo, refrain :
« Pour aller danser LE JERK !!!
Sur de la musique pop
Sous les éclairs des stroboscopes
Elles dansent LE JERK !!! »
Les paroles sont un peu con mais juste ce qu’il faut :
« Roger admire beaucoup Lénine
Roger admire beaucoup Lennon ».
Les propos sont parfois cinglants :
Roger travaille dans une usine
Qui sent bon l’oxyde de carbone
Tous les midis à la cantine
Il mange du poulet aux hormones »
(Il n’y avait pas assez de place dans les vers pour le dioxyde de carbone…)
Les références sont déjà datées, même pour l’époque :
« Elle se dit qu’avec son tour de poitrine
Du genre Dolly Parton
Elle pourrait poser dans les magazines
Comme Olivia Newton John »
C’est que notre chanteur parolier a la nostalgie des sixties : il y avait la poupée psychédélique, avec en face B le titre Back in the sixties (en écoute ici).J’avais prévenu : je mène une véritable enquête.
Et pourtant, il se passe quelque chose, l’instant fragile d’une rencontre (et là on se met à utiliser le passé simple, pour conférer à ce moment le souffle de la légende) :
« Un soir Roger rencontra Joséphine
Il lui dit c’que vous êtes mignonne
Vous êtes belle comme une speakerine
Venez chez moi j’vous jouerai du trombone »
C’est tout un pan de passé qui s’ouvre large à l’horizon, féérie de la pop music, on ne le dira jamais assez, quand le juste un peu con, le presque terne opère un changement de paradigme pour devenir brillant, magie, éclat.
Intermède visuel (t’as le look coco)
Je glisse ici quelques photos qui parleront mieux que les longs discours.
Pop music
C’est justement le titre de l’album solo de Thierry Hazard, dont presque tous les morceaux sont sortis en single, avec à chaque fois de très bonnes ventes. On en profite pour rééditer Poupée psychédélique qui, cette fois, rencontrera son public. Ce que c’est que le marketing ! On trouve également sur l’album quelques autres trucs parfois sympas, comme une reprise de Tout, tout pour ma chérie de Polnareff. Le morceau original date de 1969. On retrouve les accointances du chanteur avec les sixties jusque dans le moindre détail.
On parle ici d’un succès colossal : des centaines de milliers de copies. C’est tout de même étrange que plus personne ne s’occupe de lui ou de ses chansons alors qu’on nous assassine encore sans scrupules avec les démons de minuit.
Trois ans plus tard, Thierry Hazard sort un second album qui ne tutoiera jamais les sommets. Les ventes sont divisées par dix. Sur Wikipedia, il est question de « succès d’estime », euphémisme pour dire flop, ou deuxième album raté. Cet échec artistique et commercial marquera la fin de la carrière du chanteur et, par souci de mimétisme, celle de mon article qui, j’en suis bien conscient, n’a rien résolu du mystère.
Dernier mot
Dans le clip, c’est l'inoubliable Christophe Salengro, ex-président à vie du Groland, qui joue le rôle de Roger.
Luce 2 years ago
et un très bel article sur Thierry bravoooo
Luce 2 years ago
Mais merciiiiiii pour ce petit hommage adorable!!!!
Hervé Fuchs 2 years ago
Gamin, j'écoutais GPS, et comme tout le monde, j'ai subi le jerk, mais sans savoir qu'il appartenait à ce groupe. Donc, merci, après toutes ces années, de me l'apprendre
Stéphane Hoegel 2 years ago
Merci commissaire Benjamin pour cette enquête rondement menée.
Benjamin Mimouni 2 years ago
Et oui, il faut parfois mouiller le maillot, s'encanailler autant que s'enjailler.