« C’est pas de la menthe à l’eau »
On Panodyssey, you can read up to 10 publications per month without being logged in. Enjoy9 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
« C’est pas de la menthe à l’eau »
Kazero, Thaï Nana (E. Casero/V. Segaud), Didier Guinochet Productions, 1986.
Météore
Thaï Nana est sortie de nulle part. Milieu des années 80, Eric Casero et Véronique Segaud montent le projet Kazero, sortent une maquette de cinq titres, rencontrent Jacques Cardona qui veut bien les produire, studio, mixage, et les 45 tours sort à la fin de l’année 1986, il restera dix-neuf semaines au Top 50, se hissera jusqu’à la troisième place et finira disque d’or.
Paroles sibyllines
Le texte est confus à souhait, débité sur un tempo saccadé, d’une voix presque atone :
« Quand t’es venu dans la rue inconnue
Tu savais pas où t’allais
Mais tu savais qu’il y avait
Dans la maison du premier
Une fille qui était vraiment typique
Tous les voisins l’appelaient
Thaï na na na »
La rime est saturée (venu-rue-inconnue/savais-allais-savais-avait) ou orpheline (typique, qui ne rime avec rien), ce qui rend le texte bancal, c’est à la fois trop et pas assez. Le tout est noyé sous des vagues de synthé (l’instrument de prédilection de Casero) à en étouffer les fans les plus aguerris des 80’s. On comprend que la fille s’occupe en partie du ménage :
« Mon Dieu quelle histoire et quelle ange quand elle t’a dit
Monsieur essuyez-vous les pieds
Vous serez bien gentil car j’aurais pas à repasser après vous »
Mais tout cela n’est pas bien clair, et le dérapage est facile. Le terrain est glissant : la maison, la fille, Thaïlandaise de surcroît, le dessin de la pochette… C’est ambigu, assurément, et d’un goût très douteux.
La ville rose
A priori, rien ne destinait Eric Casero au Top 50 : issu du conservatoire, il bricolait dans le milieu de la musique dans la région toulousaine, en marge de l’effervescence. C’est cette rencontre avec Jacques Cardona qui va tout déclencher.
Jacques Cardona est surtout connu pour être l’interprète de quelques génériques de dessins animés mythiques, tels celui de l’Inspecteur Gadget et d’Ulysse 31. Il a également produit les tubes les plus célèbres du groupe Gold : Plus près des étoiles, Capitaine abandonné, Laissez-nous chanter, Ville de lumière. Et quand deux toulousains se rencontrent, ils ne se racontent pas d’histoires de saucisse mais en produisent (voir ici pour comprendre cette vanne un peu précaire).
La face B est beaucoup plus classique, la chanson s’intitule C’est du rock et effectivement c’en est, pas de quoi tomber à la renverse.
L’année suivante, le duo sort Woopy machine, un truc vraiment très étrange, qui n’égalera pas le succès surprise de Thaï Nana, puis c’est la fin de l’aventure Kazero.
Dans une interview à une webradio (made in 80), Eric Casero raconte qu’il n’a pas abandonné la musique après ça, au contraire, il est simplement revenu à des choses plus discrètes. Il s’est aménagé un studio dans sa maison de Blagnac, en banlieue toulousaine, joue du clavier et produit des jingles. Il s’est aussi impliqué dans le projet musical des Duponts Electrics depuis 2003.
Véronique Segaud, l’autre moitié du duo Kazero, poursuit également son chemin musical. En 2005, elle a fondé la School of Rock de Blagnac et le label extraordinaire. Au moins on sait où les trouver.
Cartoon
Dernier participant au succès de Kazero, le photographe et graphiste Claude Caudron, inestimable chaînon manquant entre Jean Ferrat et la Compagnie Créole. Il a shooté Gilbert Montagné, Alain Bashung, Sabine Paturel (Les Bêtises), Jane Birkin (le sublime noir et blanc de Quoi?), Eddy Mitchelle, Elsa, Stephanie de Monaco et Mélody (Y a pas que les grands qui rêvent).
Dans la même interview, Eric Casero raconte d’ailleurs que le duo était déçu de ne pas avoir sa photo sur la pochette de son disque (il y en a une petite au dos), mais aussi fier de la participation de Claude Caudron, qui avait signé le visuel du premier album de Soft Machine en 1967 et dont il était très fan. Et c’est vrai que le dessin est sympa, avec son côté très cartoon (les triangles, flèches et autres motifs colorés en bas à droite), même s’il finit de faire pencher la balance du côté plus scabreux.
Le morceau est à écouter en suivant ce lien.