Völuspa, le dit de la voyante
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Völuspa, le dit de la voyante
Niagara, J’ai vu, Laporte-Chenevez, Polydor, 1990.
L’Age du feu des possibles
En cette époque de feu tous azimut, synonyme autant de progrès que de destruction, d’avancée et de recul, bon nombre de paroles remontent à la surface : La Terre tremble (Thiefaine), Pendant que les champs brûlent (Niagara), Le Grand incendie (Noir Désir, « y a le feu partout – emergency), Beds Are Burning (Midnight Oil, parangon d’une écologie fataliste). Mais le titre le plus évocateur est pour moi J’ai vu.
Rouge
« Des religieux au nom de leur foi
M’ont jeté une fatwa »
On y est.
Le single est extrait d’un album intitulé Religion, mystique et protéiforme, empli de chiens rouges et de flammes, de terres désolées et de grands champs de cendre, de rêves jetés au-delà des rivières, d’innocence et de culpabilité. Le Ciel s’est déchiré, Chemin de croix, autant de titres qui fleurent l’Ancien Testament.
« Le pire est à craindre pour demain
Ça ne me fait rien »
Nous voilà prévenus.
La voyante
La voyante est la narratrice de Völuspa, saga islandaise racontant la naissance et la destruction du monde : Ragnarök, temps du loup, dieux lanceurs d’éclairs pour fendre les océans.
Mais la vision de la chanson est tout autre, c'est celle d’une spectatrice qui se contente d’assister au désastre et non de l’annoncer.
« J’étais de tous les combats
Collée devant l’écran »
Ce n’est donc pas une vision prophétique mais une simple dénonciation de la télé, monstre tout puissant des années 80 et 90, bientôt éteint, qui essaye encore de briller en poussant un dernier cri d’animal blessé avant d’aller rejoindre le magnétoscope, le mini-disc et les boutiques de location de DVD au cimetière des innovations démodées. Le vinyle tient bon, merci pour lui.
C’est d’ailleurs trop facile de réussir une prophétie après coup, à la lueur des connaissances apportées par le temps écoulé : quand une prédiction sur 1000 se réalise, on oublie les 999 autres, celles qui ont tapé à côté et n’ont pour cette raison droit qu’au silence, celles qui sont restées simples silencieux dans la mare tiède de l’indifférence, celles qui n’ont rien prétendu, restées sagement à leur place, chansons, petites choses, morceaux de variété non de bravoure, cohorte légère, fantassins, art mineur, fugue, parenthèses d’oubli arrachées au tumulte, enchantées ou non.
J’ai vu n’est donc pas une prophétie, mais une chanson dont on peut faire une relecture au prisme d’aujourd’hui : pandémie, enseignant décapité, réchauffement, guerre, terrorismes.
J’ai vu le journal de 20 heures, pas l’avenir. La chanteuse ne se pose pas en archange démoniaque se réjouissant de la fin du monde en sirotant un alcool, mais en citoyenne informée. La conclusion laisse toutefois peu de place à la réjouissance.
Solo
Les arrangements et le visuel du 45 tours lorgnent clairement du côté du métal : guitares lourdes en intro, solos, cris et fond noir appelant le black album de Metallica qui ne sortira qu’un an plus tard.
C’est de la variété mais habillée pour taper un peu plus fort qu’à l’accoutumée. Ça ne peut pas faire de mal, comme disait Bob Marley :
« One good thing about music
When it hits you feel no pain »
Ce qui est bien avec la musique
C’est que quand ça tape ça ne fait pas mal.
la chanson est à écouter ici.