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Rest' là maloya (4/5)

Rest' là maloya (4/5)

Publié le 30 déc. 2022 Mis à jour le 19 janv. 2023 Musique
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Rest' là maloya (4/5)

 

 

Deuxième partie : Mélodie vagabonde (19)

 

Autobiographie en chemin de croix

Dans la seconde partie de la chanson, il laisse tomber tous les artifices : plus de paraboles, plus d'imagerie. C'est maintenant lui le sujet. Il se dévoile, lui, Alain Péters :

 

« Mon p'tit maman gâtée

Douleurs l'a dû passer

Pou avoir fait à moin

Oui ton garçon Alain »

Ma petite maman chérie

Tu as dû connaître bien des douleurs

De m'avoir fait

Moi ton garçon Alain.

 

Il rend ici hommage à sa mère, à ses souffrances pour l'avoir simplement porté et mis au monde, et s'excuse du chagrin qu'il a pu lui causer. La douleur physique initiale se double d'une tristesse morale latente, sans doute exagérée quand on sait la façon dont la mère parle de son fils. L'idée de la peine qu'on cause aux autres est souvent plus grande que la peine réelle, c'est une simple affaire d'appréciation. En tout cas, il reconnaît ses torts et semble décidé à faire amende honorable. Cela sent l'homme prêt à se racheter et à avancer. C'est la première fois qu'il se met ainsi en scène directement : Alain. Plus qu'aucune autre, Rest' là maloya est sa chanson.

 

« Néna aussi mon fille

L' p'tite Ananda Dévi

Qu' la connu son papa

D'sus l' marche le plus en bas

Pas tous, pas tous les jours

Moin l'était pou toué un bon soutien

Mi ar'connaît qu'moin l'a fait

Plus d' mal que d' bien »

Il y a aussi ma fille

La petite Ananda Dévi

Qui n'a connu son papa

Qu'au plus bas

Ce n'est pas tous les jours

Que j'ai été pour toi un bon soutien

Je reconnais avoir fait

Plus de mal que de bien.

 

Il passe d'une troisième personne un peu diffuse : « la connu son papa », à la deuxième personne et l'adresse directe : « toué », toi. Il se rapproche, comme s'il plantait d'abord le décor avant d'intervenir directement. Il parle alors à sa fille et lui dit regretter de n'avoir pas su être une figure paternelle plus solide sur laquelle elle aurait pu s'appuyer pour grandir, comme son père l'avait été avec lui. Le processus de rédemption commencé avec sa mère se poursuit. Il était au plus bas, mais à présent il veut gravir la montagne pour regagner sa place dans le panthéon intime des siens. Pour cela, il sait qu'il peut aussi compter sur l'aide de ses amis, notamment celle de Marco :

 

« Marco bon peu n'aurait pas pu faire

Ça que toué l'a fait pou moin

Quand toué l'a ramasse à moin dans' chemin »

Marco bien peu de gens auraient fait

Ce que tu as fais pour moi

Quand tu m'as ramassé dans le chemin

 

L'hommage est poignant. Seulement quatre personnes sont citées dans la chanson : Alain Péters lui-même, qui fait son chemin de croix, sa mère et sa fille, la cellule familiale dans sa forme la plus restreinte, grand-mère, père, fille, colonne vertébrale générationnelle, et Marco Polot est la quatrième. C'est dire l'importance que le chanteur lui reconnaît. Marco l'a sauvé de la dérive. Dans son univers personnel, le chemin, c'est à la fois le fait d'être à la rue, comme dans La Rosée si feuille songe, après que le cyclone a soufflé la cabane du malheureux héros comme le loup la maison de paille, et d'être sur la route, en mouvement comme une pierre qui roule, pour ne pas scléroser. C'est le double niveau de l'errance, de la vavangue, qui peut être salvatrice tant qu'elle nous maintient aux aguets et curieux de tout, mais qui peut être dangereusement proche du vide et de l'abandon de tout, la liberté et sa contrepartie de solitude.

Ensuite on prend une petite pause pour se remettre de tant d'émotions. On souffle après avoir vidé son sac avant de se jeter dans le tourbillon du refrain :

 

« Faut pas colle couplet ecqu' le refrain

Sans trop rod' qui côté ça i vient »

Il ne faut pas coller le couplet au refrain

Sans savoir d'où il vient.

 

Autrement dit, il faut un peu réfléchir et ne pas se contenter d'enchaîner couplet/refrain, couplet/refrain. Faire une chanson demande aussi parfois de prendre du recul sur la manière. Il ne faut pas se laisser prendre au piège de la facilité et du savoir-faire, mais toujours se remettre en question, sur le métier encore et encore remettre l'ouvrage. Un tel manifeste est étonnant de sa part, lui qui pourtant s'est toujours prétendu inspiré, comme si les mots lui venaient naturellement. Il y a des différences entre ce qu'on dit et ce qu'on fait. C'est une autre des raisons pour lesquelles cette chanson est à mettre à part.

Au refrain :

 

« Rest' là maloya

Rest' là maloya

Rest' là maloya

Rest' là maloya

Rest' la même »

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