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des disques et des dollars

des disques et des dollars

Publié le 31 mars 2023 Mis à jour le 31 mars 2023 Musique
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des disques et des dollars

 

Troisième partie : rayonnement du maloya (2)

 

Reggae

Au jeu consistant à savoir quel courant appartenant à la catégorie musique du monde a eu la plus large audience, La Réunion est malheureusement loin d'être la grande gagnante. D'autres contrées ont mieux su tirer leur épingle du jeu et sont parvenues à s'imposer à grande échelle de façon massive et indéniable, au premier rang desquelles vient la Jamaïque.

C'est en effet le reggae qui a réussi à s'installer le plus haut et le plus durablement dans notre paysage. Il doit en grande partie cette réussite à la rencontre de deux hommes : Bob Marley et le producteur Chris Blackwell, fondateur du label Island. C'est encore une fois une histoire de rencontre, d'échange et d'opportunité. Chris Blackwell a su adapter le son des Wailers, le groupe formé par Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Wailer, au marché anglo-saxon, et par là-même lui ouvrir tout grand les portes du monde. Il faut dire que le reggae avait déjà pour lui l'avantage certain de l'anglais comme langue maternelle, un anglais un peu particulier c'est entendu, revu et corrigé à la sauce rasta, avec son vocabulaire, ses codes, ses références, mais d'un point de vue linguistique, ce patois jamaïcain est plus proche de l'anglais que le créole ne l'est du français. De plus, la Jamaïque, par sa situation géographique et sa proximité avec les États-Unis est déjà un peu américanisée dans sa musique. Elle s'est très tôt imprégnée des sons rythm and blues et soul venus d'outre-atlantique, dès les années 40.

 

Filiation

Il y a deux causes à ce phénomène : d'abord on capte en Jamaïque les ondes radios émises depuis la Floride, et puis les jamaïcains ont longtemps constitué pour les États-Unis une réserve de main-d’œuvre saisonnière. Les ouvriers agricoles partaient pour plusieurs mois travailler dans les grandes exploitations américaines et en revenaient avec des disques et des dollars. Ces disques, ils étaient ensuite passés dans les sound-systems, ces sortes de discothèques extérieures mobiles, constituées le plus souvent d'un camion plein de matériel de sonorisation puissant, de kilos de sons et d'un operator, un DJ pour simplifier. On dansait donc en Jamaïque au son des musiques noires américaines avant de faire du reggae. Ensuite, grâce à leur patrimoine culturel ancien, mento et calypso, et cet apport plus récent, les musiciens ont inventé leurs propres modes d'expression. Ce fut le ska, puis le rocksteady et, dans la continuation, le reggae. Musiciens, chanteurs et producteurs n'ont d'ailleurs jamais caché leur admiration pour les Curtis Mayfield et autres Isaac Hayes. Ils auraient même plutôt tendance à la revendiquer. Dans les profondeurs du reggae, sous-jacentes, assimilées, on trouve des traces de blues, de soul, de rythm and blues. Avant même de s'échapper des frontières de la Jamaïque, le reggae a déjà quelque chose d'international. Il s'agit donc juste d'offrir au public la possibilité de s'en rendre compte. C'est ce que se propose de faire Chris Blackwell avec les Wailers. Mais des dissensions profondes existent au sein du groupe depuis toujours. Elles vont enfler au point de devenir insurmontables. Comme Alain Péters, Bunny Wailer a du mal à quitter son île. Il ne veut plus partir en tournée. Quant à Peter Tosh, il était amoureux de Rita mais c'est Bob Marley qu'elle a préféré épouser. Sans parler des conflits d'ego ! Le groupe ne résiste pas à tant de tensions. Il explose. Mais peu importe, avec un petit coup de pouce d'Eric Clapton, qui reprend I Shot The Sheriff, la machine est lancée. La machine, c'est Bob Marley. Ça a toujours été Bob Marley de toute façon, personne d'autre.

 

Zion

Chris Blackwell a sorti un album arrangé spécialement pour le marché anglais, avec plus de guitare. Il a fait sonner Bob Marley comme un rockeur et ça a marché. La suite, on la connaît. C'est le charisme époustouflant du bonhomme, qui parvient à séduire le monde entier avec ses dreads, ses discours parfois décousus, Jah, son herbe, sa révolte de tous les instants contre le système, Babylone, qui devient une icône, la première star internationale issue de ce que l'on appelait alors le Tiers-Monde, sa mort prématurée, ses femmes et ses enfants. Tout a contribué à ce qu'on lui voue un véritable culte, jusqu'à faire de lui un motif duplicable à l'infini, comme Einstein ou le Che avant lui. Il aura très longtemps une influence positive immense sur la Jamaïque et la musique en général. Grâce à lui, les grands noms de la musique viennent enregistrer à Kingston avec les musiciens les plus talentueux du pays : Paul Simon, Serge Gainsbourg. Aujourd'hui encore, le reggae est partout : les artistes jamaïcains se produisent dans toutes les villes du monde, le dancehall a envahi les clubs et chaque pays a sa scène reggae. C'est un mouvement de va et vient à l'échelle du monde, qui a traversé les frontières et l'histoire : Zion, l’Éthiopie, les États-Unis, la Jamaïque, l'Angleterre, la France, la Côte d'Ivoire, un véritable phénomène créole, une gigantesque machinerie.

Le reggae n'est pourtant pas le seul courant musical à avoir trouvé de l'écho loin de ses frontières originelles. Il y a eu d'autres exemples d'exportations, peut-être moins spectaculaires, mais ce n'en sont pas moins de belles réussites. Il n'est bien entendu pas question de les comparer, ce qui serait aussi idiot qu'improductif, mais de les prendre chacune pour ce qu'elles sont : des moments de grâce authentique capables de résorber pour un court instant, le temps d'une chanson peut-être, mais ce n'est déjà pas si mal, les douleurs les plus vives, les pires atrocités du passé.

 

Merci à Eric Ausseil, illustrateur attitré de cette histoire.

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