Drunk (2020) Thomas Vinterberg
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Drunk (2020) Thomas Vinterberg
Qu’avons-nous fait de nos vingt ans ?
Lors d’une année 2020 que l’on peut qualifier de pauvre cinématographiquement parlant, Drunk reçut des éloges dans de nombreux événements. Il fut sélectionné au Festival de Cannes, qui n’a finalement pas eu lieu mais a décerné des labels à l’ensemble des films de ses compétitions. Puis le film a été sélectionné au Festival international du film de Saint-Sébastien, où Mads Mikkelsen fut récompensé, tout comme lors de la cérémonie des Prix du cinéma européen, qui délivra à Drunk le prix du meilleur film, et à Thomas Vinterberg celui du meilleur réalisateur. S’il ne décrocha pas la récompense, Drunk fut aussi nommé lors de la cérémonie des Golden globes, et dans la foulée récompensé aux Oscars, pour le meilleur film en langue étrangère. Enfin, aux Césars ainsi qu’aux Bafta, il reçoit le prix du meilleur film étranger. Basé sur une théorie du psychiatre Finn Skårderud, le film est centré sur notre rapport à l’alcool et à ses effets, tant individuels que collectifs.
Des lycéens participent à une course à pied, durant laquelle les participants doivent boire régulièrement de la bière et vomir ensemble s’ils veulent gagner du temps additionnel. Après coup, dans le métro, ils chahutent des contrôleurs, attachant l’un d’entre eux avec des menottes. Le lendemain, dans leur établissement scolaire, la proviseure s’en émeut dans la salle des professeurs, envisageant d’appliquer le semestre suivant une tolérance zéro en matière d’alcool. Puis les responsables de l’enseignement sportif (Tommy), de musique (Peter), de psychologie (Nikolaj) et d’histoire (Martin) poursuivent les cours qu’ils donnent à une même classe de terminale. Quand il rentre chez lui, Martin, dont le cours s’est passablement mal déroulé, demande à son épouse s’il est devenu barbant, et elle lui répond qu’il a beaucoup changé par rapport à l’époque où ils se sont rencontrés. Le lendemain, il est convoqué à une réunion avec des élèves et leurs parents, qui s’inquiètent de ne pas réussir leur bac s’il continue comme ça.
Dans sa facture, Drunk ressemble à la copie d’un élève appliqué à qui l’on aurait demandé une dissertation sur les effets de l’alcool. Tout est présent, de l’introduction à la problématique, puis la thèse, l’antithèse et enfin la synthèse. C’est propre, complet, nous disposons de l’ensemble des informations pour comprendre les enjeux sous-jacents et les différents arguments contraductoires sont confrontés. Thomas Vinterberg nous montre ainsi quatre participants à une petite expérience consistant à documenter les effets d’une prise d’alcool régulière sur leurs organismes et leurs interactions. Bien entendu il commence par les effets positifs, le côté désinhibant, les progrès que les participants ressentent dans leur prise de parole et dans leur travail, la confiance en eux qui s’améliore. Puis bien entendu quelques effets négatifs commencent à poindre leur bout du nez, au fur et à mesure que la prise d’alcool s’intensifie. On comprend assez vite le principe.
Rien de bien surprenant donc dans ce Drunk, dont on pourrait prévoir la narration en lisant son résumé. Production scandinave oblige, le sens de la mesure est de rigueur et l’on pèse bien le pour et le contre de chacun des arguments que l’on met en avant. Tout ceci est bien ficelé et l’on n’a pas grand-chose à critiquer, si ce n’est que tout cela n’a pas grand-chose de surprenant. On peut même se demander quel est le propos de Thomas Vinterberg, et d’ailleurs lui-même a l’air de se défendre d’avoir une opinion bien marquée, souhaitant que la caméra ne fasse qu’observer les comportements des personnages. D’un point de vue formel, le film bénéficie d’une image léchée et d’une musique élaborée, qui va de classiques composés par Franz Schubert ou Domenico Scarlatti au fameux et entêtant What a life, interprété par Scarlet Pleasure. Notons d’ailleurs qu’en période de gestes barrières et autres protocoles sanitaires strictes, les scènes de liesse font plaisir.
Sinon Drunk est un portrait assez bien senti d’un groupe d’amis, qui gravitent autour de la quarantaine ou la cinquantaine. Alors certes, visiblement, ce qui intéresse Thomas Vinterberg, c’est l’amitié virile : il cite d’ailleurs dans ses références le Husbands de John Cassavetes, ce qui n’est pas rien, et le film ne lui arrive, il faut l’avouer, pas à la cheville. Cependant, il parvient à analyser des mâles en crise, avec peu de finesse mais assez justement. La performance de Mads Mikkelsen, dont le personnage est central dans le récit, vaut le détour, et celle de ses collègues n’est pas mal non plus. On sent bien la dynamique de groupe qui a dû entraîner les acteurs durant le tournage, et même si les femmes sont l’avoir des premiers plans, elles parviennent à exister dans les quelques scènes où elles apparaissent. Le film est donc loin de mériter l’ensemble des louanges qu’il a pu recevoir, mais il n’a pas à rougir de la concurrence et se laisser siroter frais.