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Les sœurs de Gion (1936) Kenji Mizoguchi

Les sœurs de Gion (1936) Kenji Mizoguchi

Publicado el 24, mar., 2021 Actualizado 24, mar., 2021 Cultura
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Les sœurs de Gion (1936) Kenji Mizoguchi

La révolte d’une femme galante

On peut dire que Les sœurs de Gion se situe à une période charnière de la filmographie de Kenji Mizoguchi. Premier film réalisé avec la maison de production Daiichi Eiga, qu’il fonde avec son scénariste fétiche Yoshikata Yoda, c’est avec ce film qu’il assoit sa notoriété. Vingt ans avant La rue de la honte le film aborde, dans un contexte politique de troubles au Japon, un des thèmes favoris de Kenji Mizoguchi : celui des femmes, et en particulier des geishas, et les rapports qu’elles tissent avec la gent masculine.

Furusawa est un drapier qui vient tout juste de faire faillite. Harcelé par sa femme, il décide de la quitter pour aller s’installer chez Umekichi, une geisha du quartier de Gion, à Kyoto. Mais la sœur de cette dernière ne l’entend pas ainsi : lasse d’une existence de misère et du joug que font peser sur elles les hommes de passage, elle décide de se rebeller. La première chose à faire selon elle est de déloger cet intrus désargenté qui nuit à leur réputation et les empêche de trouver un protecteur digne de ce nom.

Celles et ceux qui ont lu ou vu Mémoires d’une geisha d’Arthur Golden (ou de Rob Marshall) trouveront sans doute quelques similitudes dans les deux histoires. Mais le traitement n’a absolument rien à voir dans Les sœurs de Gion. Ici, aucune surenchère, rien de superflu, et la finesse de la mise en scène fait toute la différence. Kenji Mizoguchi fait preuve d’une maîtrise de la concision que peu de réalisateurs peuvent lui envier. En un peu plus d’une heure une somme incroyable d’événement se déroulent devant nos yeux sans qu’aucun ne soit en trop ni ne desserve l’intrigue principale. Le sens du timing approche ici la perfection.

Avec Les sœurs de Gion le réalisateur japonais apporte une double dénonciation : d’une part sur la condition féminine, d’autre part sur la société japonaise. La brillante idée de dépeindre le quotidien de deux sœurs diamétralement opposées permet à Kenji Mizoguchi d’élargir un propos qu’on aurait vite taxé de propagandiste : les deux points de vue, tous deux antinomiques et valables a priori, aboutissent à une simple et même conclusion, celle que les femmes doivent toujours et encore lutter bec et ongle pour s’imposer dans ce monde machiste – si tant est qu’elles y arrivent. Quant à la société matérialiste, elle ne fait que rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres encore. 

Qui plus est, Les sœurs de Gion est aussi l’occasion pour Kenji Mizoguchi de réunir une troupe de fidèles qui le suivront tout au long de sa carrière. En plus de son scénariste Yoshikata Yoda l’acteur Eitaro Shindo qu’on retrouve dans L’intendant Sansho ou l’actrice Isuzu Yamada, également vue dans Le château de l’araignée de Akira Kurosawa. D’une beauté plastique frappante, le film regorge de finesses techniques (voir le travelling du début) mais aussi dans la psychologie des personnages, jamais surlignée mais toujours impeccablement retranscrite. Encore un film majeur à découvrir de toute urgence.

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