Lola vers la mer (2019) Laurent Micheli
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Lola vers la mer (2019) Laurent Micheli
Voyager est fatal aux préjugés, à l'intolérance et à l'étroitesse d'esprit
Le réalisateur de Lola vers la mer a fait ses gammes dans le théâtre et réalise son premier film au milieu des années 2010. Celui-ci sort en France en VàD en mars 2020, tout comme son deuxième film, en attendant de pouvoir les sortir en DVD. Si la thématique de ces deux films est l'adolescence, Lola vers la mer prend pour héroïne principale une jeune femme en transition. Lola s'apprête dès le début du film à programmer son opération de réassignation sexuelle, alors qu'elle n'est pas majeure. Conscient des polémiques qui entourent l'attribution de rôles trans à des personnes cisgenres, Laurent Micheli prend le parti dès son casting de ne faire appel qu'à des actrices transgenres. C'est pour lui presque un acte militant, qui s'inscrit dans la réappropriation de leur culture et de leur identité par des population qui trop longtemps se sont vues marginalisées dans les œuvres de fiction audiovisuelles.
Lola, 17 ans, part de son foyer pour rejoindre une église où doit se dérouler l'enterrement de sa mère. En entrant dans le lieu de culte, elle se rend compte que la cérémonie vient de se terminer. Elle se dirige alors vers la maison de son père et demande à lui parler. Quand il la voit, il tente de l'éloigner de la foule mais a du mal à contenir la colère de la jeune fille. Elle lui reproche de l'avoir empêchée de rendre le dernier hommage à sa mère tandis qu'il l'accuse à mots couverts de sa mort. Furieuse, Lola quitte la maison et attend que tout le monde soit parti pour y rentrer en douce. Elle retourne dans sa chambre d'enfant, déchirant au passage la photo d'un adolescent, puis se glisse dans la chambre parentale où elle trouve l'urne funéraire. Elle décide de la voler, et en quittant la demeure elle lance un poids dans la vitrine de la quincaillerie de son père puis retourne dans son foyer.
Contrairement à Girl, film belge sorti un an avant et qui avait aussi pour personnage principal uns adolescente MtoF, Lola vers la mer choisit un parcours sinueux pour raconter son histoire. Si le but est établi dès la titre du film, la jeune fille et son père se dirigent certes vers Ostende mais vont affronter des obstacles avant d'y arriver. Comme le dit Laurent Micheli, alors qu'en voiture il faut environ une heure et demi pour y aller depuis Bruxelles, Lola et Philippe ne vont y arriver qu'après quelques péripéties. Et parallèlement à ce voyage, qui s'avère initiatique, ce n'est semble-t-il pas tant la problématique de la transidentité que souhaite aborder le réalisateur, tandis que le film de Lukas Dhont abordait frontalement le sujet. Non pas que le film évite son propos, et les questions de la prise d'hormone ou de la chirurgie sont clairement abordées, mais apparemment le propos principal du film est plutôt la parentalité.
Et le fait que le père de Lola vers la mer soit interprété par un acteur internationalement connu, en la personne de Benoît Magimel, n'est peut-être pas innocent à cet égard. Car plus que le parcours de cette adolescente, qui dès le début sait où elle va et, même si on sent qu'elle en a peur, n'a aucun doute concernant sa procédure de réassignation, on assiste ici à l'évolution d'un père qui au début du film rejette totalement la décision de son enfant. Le personnage de Philippe n'est d'ailleurs pas un rôle facile à incarner, tellement il possède tous les attributs de l'homme buté, qui campe sur ses positions et exerce une transphobie pure et dure envers sa fille. Le road movie va les forcer à se parler, alors qu'ils ne s'étaient pas vus depuis deux ans, et des secrets vont être révélés. L'armure du père de famille va doucement se fendre, et l'homme va toutes choses égales par ailleurs, doucement évoluer.
C'est un peu le paradoxe de Lola vers la mer que de mêler des grosses ficelles scénaristiques avec des éclairs de subtilités. Le film se révèle assez didactique sur la question transgenre : on a droit à l'ensemble des problématique auxquelles un adolescent en transition passe, et on a un peu l'impression d'avoir vu ça trop souvent. La sempiternelle question sur l'orientation sexuelle de Lola et forcément posée, et on a évidemment droit à un plan découvrant le torse nu de la jeune femme. À côté de ça, le scénario se montre assez fin dans de nombreuses occasions. Si on accepte dès le début la position de l'adolescente, la mort de sa mère est tout aussi rapidement dévoilée, et aucun mystère inutile n'entoure les raisons de ce décès, qui resteront jusqu'à la fin inconnues : ce n'est pas le sujet. De même, la séquence dans ce bordel improbable, passage pourtant casse-gueule, est appréhendé de manière assez juste, à l'image de ce joli petit film.