Ladybird (1993) Ken Loach
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Ladybird (1993) Ken Loach
Mater doloris
Le début des années 1990 fut l’occasion pour Ken Loach de dénoncer les inégalités sociales issues, dixit le réalisateur, du gouvernement de Margaret Thatcher. Il commence la décennie avec Riff Raff, où Robert Carlyle campe un ouvrier qui sort de prison et se prend de solidarité envers ses collègues de plus ou moins grande infortune. Tout aussi politique, et plus en relation avec les tensions avec l’Irlande du Nord, Secret défense (ou Hidden agenda pour les intimes) mettait en scène Frances McDormand et Brian Cox. Puis vint le choc Raining Stones, Prix du jury au Festival de Cannes. Il s’inspire avec Ladybird de l’histoire d’une femme qui vit chichement avec ses quatre enfants, chacun d’un père différent, une femme blessée par la vie, que ses concubins battaient et qui a du mal à s’en sortir. .
Le début
À la suite d’une combinaison d’événements malheureux, Maggie Conlan perd la garde de ses quatre enfants, fruit de quatre unions différentes, qui se retrouvent pris en charge par les services sociaux. Alors qu’ils avaient été relogés dans un foyer, elle était sortie un soir, laissant seuls ses enfants. Un incendie s’est soudain déclaré, causant des brûlures à son aîné, Sean, qui lui est retiré, avant qu’elle ne perde les trois autres, puis que son compagnon ne la quitte. C’est à ce moment qu’elle rencontre Jorge, un Paraguayen qui a fui son pays et ils vont essayer tous les deux de reconstruire quelque chose. Seulement la rigidité des administrations de la petite enfance, le passé et le caractère impétueux de Maggie ne vont pas faciliter les choses.
Analyse
Le scénario de Ladybird est tellement fort qu’il se suffit en lui-même. Les mésaventures de cette mère de famille en colère sont parfois si absurdes qu’on a du mal à croire que Ken Loach s’est inspiré d’une histoire vraie. C’est sans doute pourquoi il a adopté une mise en scène très sobre, quasi documentaire, qui évite tout débordement excessif. Et si on ne peut s’empêcher d’éprouver de l’empathie pour Maggie, elle n’est jamais dépeinte comme la victime d’un sort impitoyable. Ken Loach prend un soin tout particulier à montrer dans toute sa complexité ce personnage brut de décoffrage qui ne s’en laisse pas conter mais dont les excès pourront prêter à confusion pour des travailleurs sociaux appliquant les règles à la lettre en croyant à chaque fois bien faire.
Et on ne peut que constater que Crissy Rock était la candidate idéale pour le rôle principal. Cette humoriste anglaise a eu un parcours chaotique dès l’enfance et s’est approprié le rôle avec passion. Elle déborde d’énergie et de sincérité, rendant Maggie plus humaine que jamais. Bouleversant, Ladybird est aussi l’occasion de montrer un couple de laissés-pour-compte bien décidés à se battre pour survivre et qui se supportent, dans tous les sens du terme, comme ils peuvent. Le couple comme ultime barrage contre une injustice parfois aveugle, voilà en quelques mots liminaires l’objet, si tant est qu’il y en ait vraiment un, que l’on pourrait retenir d’un film qui n’est pourtant jamais donneur de leçon.
Scénarisé par l’autrice écossaise Rona Munro, Ladybird est le premier long-métrage de Ken Loach pour lequel travaille George Fenton. Le compositeur londonien, qui a aussi collaboré avec Neil Jordan, Stephen Frears ou Richard Attenborough, a depuis rempilé quasiment à chacun des autres films du réalisateur. Le travail d’équipe est essentiel pour Loach, qui durant les années 1990 et 2000 engagea Barry Ackroyd pour s’occuper de la lumière de ses longs-métrages. C’est pour la même raison que figurent sur le générique du film le monteur Jonathan Morris et le décorateur Martin Johnson. Cet esprit d’équipe se ressent au visionnage de l'œuvre, qui met en avant des notions chères au réalisateur britannique, et qu’il continuera à défendre durant de nombreuses années.