Salo ou les 120 journées de Sodome (1975) Pier Paolo Pasolini
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Salo ou les 120 journées de Sodome (1975) Pier Paolo Pasolini
L’innommable à son monstrueux apogée
Le contexte est plus qu‘important avant d‘analyser Salo ou les 120 journées de Sodome. Quand Pier Paolo Pasolini réalise le film, il sort de sa Trilogie de la vie, où il adaptait, avec Le Décameron, Les contes de Canterbury et Les mille et une nuits, plusieurs recueils de la littérature érotique. Avec l’aide de son assistant Sergio Citti, il s’essaye à l’adaptation d’un auteur majeur dans le domaine, Donatien Alphonse François de Sade. Tâche réputée impossible, nombre d’auteurs s’y étant d’ailleurs essayé avec peu de succès. À sa sortie, le film est conspué, il n’a aucun succès et tout le monde ou presque s’en offusque. Aujourd’hui encore de nombreux spectateurs se souviennent amèrement du visionnage du film. Le 2 novembre 1975, Pasolini est assassiné dans des circonstances plus que douteuses.
Quatre seigneurs décident, en 1945, d‘amener seize adolescents dans un château près de Marzabotto, au nord de l‘Italie. Aidés des soldats allemands et des miliciens fascistes, ils choisissent scrupuleusement les jeunes hommes et les jeunes femmes qu’ils dérobent à leur famille. Puis la vraie nature des enlèvements est expliquée aux victimes : ils sont prisonniers des quatre hommes et sont livrés à leur bon vouloir. Ceux-ci leur lisent les règles strictes à respecter durant tout leur séjour ; s’ils désobéissent ils seront fusillés.
Pour de nombreuses raisons Salo ou les 120 journées de Sodome fait débat. D’abord pour sa thématique : le sadisme est loin de faire consensus, et son utilisation dans la fiction provoque toujours des remous. Mais Pier Paolo Pasolini transcende le thème, il provoque en montrant à l’image des scènes à la limite du supportable. Scindé en quatre partie différentes consacrées au sexe, à la scatologie aux diverses formes de violences, le film possède une force esthétique impressionnante. On pense qu’on a tout vu et pourtant il en reste encore.
La mise en scène du réalisateur est d’ailleurs remarquable : prenant clairement ses distances avec son sujet, il pousse le spectateur à se sentir tour à tour victime et voyeur, sans complaisance aucune. Le rendu est saisissant et glaçant. La volonté de Pier Paolo Pasolini est limpide : avec Salo ou les 120 journées de Sodome, il entend dénoncer toutes les formes de totalitarisme. Ses premières cibles restent évidemment le fascisme et le nazisme, en plaçant une partie de son récit dans la république de Salo occupée par Benito Mussolini entre 1944 et 1945 puis dans une région italienne théâtre de massacres durant la Seconde guerre mondiale.
C’est un des reproches, facile mais parfois juste, qu’on a pu lui faire : à trop théâtraliser l’horreur du totalitarisme il l’humaniserait presque. Mais Pier Paolo Pasolini a aussi autre chose en tête en réalisant Salo ou les 120 journées de Sodome : tout comme Marco Ferreri dans La grande bouffe, sorti deux ans plus tôt, il s’agit ici également de dénoncer les travers de la société de consommation. Ou comment une société ultra libérale peut avilir les êtres et les rendre dépendants, soumis, opprimés. Le propos est fort, la dialectique est grossière mais l’impact est puissant. Effet garanti.