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La sainte famille (2019) Louis-Do de Lencquesaing

La sainte famille (2019) Louis-Do de Lencquesaing

Publicado el 28, may, 2020 Actualizado 28, may, 2020 Cultura
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La sainte famille (2019) Louis-Do de Lencquesaing

Il ne se passe jamais rien dans les familles

La figure de Louis-Do de Lencquesaing est apparue sur les écrans au début des années 1990. Il fait ses gammes dans le cinéma d'auteur à la française, côtoyant Arnaud Desplechin, Pascal Bonitzer ou bien Olivier Assayas. Sa carrière d'acteur prend un coup d'accélérateur durant la décennie suivante, où il se fait particulièrement remarquer dans Le père de mes enfants. C'est à cette période qu'il se lance dans la mise en scène avec un court-métrage, et il poursuivra avec son premier long, Au galop. Il continue son processus d'écriture avec quelques vagues idées qui feront le scénario de La sainte-famille. Ne parvenant pas à trouver une cohérence à l'ensemble, il s'adjoint l'aide de Jérôme Beaujour, grand amateur de l’œuvre de Marguerite Duras, qui officie au scénario de nombreux films français, en particulier auprès de Jacques Doillon. Pour le casting, il fait en particulier appel à Marthe Keller, déjà présente dans son premier film.


Universitaire parisien, Jean intervient dans une conférence pour évoquer la migration des anguilles. Il rentre chez lui pour retrouver ses deux filles, tandis que son épouse Marie, endormie, lui a laissé un mot pour lui demander de la réveiller. Il retrouve le lendemain sa mère qui lui annonce que Lucia, la gouvernante familiale, est morte récemment. Plus tard, son épouse lui annonce qu'elle est enceinte et s'interroge pour garder ou non l'enfant. À l'enterrement de Lucia, Jean retrouve sa cousine Marie-Laure, qui habite Barcelone et pourtant sera de nouveau le lendemain chez  la mère de Jean. Travaillant chez Christie's, elle doit faire l'inventaire de Bonne, sa grand-mère, ce qui l'agace puisqu'elle est pourtant toujours en vie. Elle va revenir vivre chez sa fille puisque le frère de Jean, Hervé, bientôt père de famille, intègre l'appartement de Bonne. En rentrant chez lui, Jean explique à Marie qu'une séparation lui semble inappropriée.

On ne peut pas dire que le scénario de La sainte famille soit son point fort. Le film ne raconte rien et il le fait mal. Sa narration est heurtée, elle passe de sujet en sujet sans vraiment s'attarder sur aucun. En tirant chacun des fils de son écriture, on parvient finalement à une impasse. On peut de prime abord considérer que son sujet principal est la transmission, qu'elle soit des valeurs familiales ou du patrimoine. Et chacun de ces aspects est évoqué en pointillé. On nous assène régulièrement que le personnage principal est rétrograde, sans que ses idées sur la famille ne nous soient vraiment développées : on a droit à quelques échanges sur le sujet, qui  ne nous éclairent pas vraiment et restent vagues. Quant à l'héritage, il sert uniquement de prétexte à l'irruption d'un personnage censé être le catalyseur d'une trame qui n'explose jamais. La grossesse d'un autre personnage n'a droit qu'à quelques brefs échanges, le thème de l'homosexualité est évoqué en une punch line sur le mariage pour tous et au travers d'un personnage dont le destin est rapidement expédié.

Le film tente d'esquisser quelques figures libres au travers de ses personnages, mais l'exercice n'est pas abouti. Prenons le personnage principal de La sainte famille, celui de cet universitaire, dont on nous fait lourdement comprendre qu'il est un brillant intellectuel et qui va tout d'un coup devenir ministre de la famille. L'enjeu narratif est rapidement balayé, et quant à la caractérisation du personnage, mis à part le fait qu'il est falot et fuyant on n'en saura pas plus. Son épouse et ses filles ne servent qu'à souligner combien il n'est pas doué avec les sentiments, et son environnement de travail n'est dépeint que lors de quelques scènes vides d'enjeu. Sa cousine n'a l'air d'être là que pour la private joke de voir Laura Smet empêtrée dans une histoire de succession. Quant à sa mère, de loin le personnage le plus intéressant, et parfaitement incarnée par l'excellente Marthe Keller, elle n'a visiblement pour fonction que de sortir des répliques, il fut l'avouer assez percutantes.

Pourtant on peut reconnaître à La sainte famille une certaine précision dans la description de son univers. Est-ce dû à ses origines nobiliaires, Louis-Do de Lencquesaing parvient très bien à décrire les enjeux qui entourent cette grande famille au patrimoine historiquement chargé. En quelques saillies cinglantes, il parvient habilement à caractériser la dynamique d'une distanciation qui cache l'affection entre un fils et sa mère. Les salons feutrés d'une capitale qui se résume à quelques quartiers (le VIIe, le VIIIe et le XVIe arrondissement) sont tout aussi bien dépeints. Mais cela ne suffit pas à faire un film : on se demande après le visionnage où veut en venir le réalisateur. On ne ressent aucune urgence à filmer, aucune morale n'est esquissée. On se retrouve encore une fois devant un film français sans enjeu, où des personnages interagissent un peu dans le vide : un joli vide peut-être mais certainement pas habité.

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