Kaboom (2010) Gregg Araki
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Kaboom (2010) Gregg Araki
It’s the end of the world as we know it
Le paranormal et les univers borderline sont familiers dans les films de Gregg Araki. L’excellent Mysterious skin abordait notamment le surnaturel comme une façon elliptique de se détourner de la réalité. Dans Kaboom, des évènements étranges émaillent le quotidien des protagonistes, et ici le réalisateur prend le thème à bras le corps, n’hésitant pas à en faire un élément central de son récit. Partant de ce postulat fantastique, n’assurant pas forcément une large distribution, Kaboom est pourtant le film qui assoit la notoriété d’Araki : lauréat de la Queer palm au Festival de Cannes, le film a bénéficié à sa sortie d’un plan marketing solide, avec une large distribution et, cerise sur le gâteau, un bouche-à-oreille critique des plus favorables.
Le début
Dans un campus américain comme les autres végète Smith, jeune homme de 19 ans qui fait des études de cinéma. Il a pour colocataire Thor, un surfeur sexy et con comme un balai mais qui lui fait un effet bœuf. Il passe ses journées avec Stella, sa meilleure amie depuis des années ; lesbienne assumée, elle est décalée et pleine de bon sens. Elle l’amène à une soirée pour le lâcher au out de cinq minutes et rejoindre la belle Lorelei. Dès qu’il la rencontre, Smith se rappelle du rêve bizarre où il l’a vue avec une autre fille rousse, et justement celle-ci se pointe et vomit sur ses chaussures. Se remettant à peine de l’incident, et de cette coïncidence, Smith se réfugie aux toilettes pour nettoyer ses vêtements.
Analyse
Aucun doute là-dessus, Kaboom est un film jubilatoirement décomplexé, et il fait franchement plaisir à voir. Construit en deux parties distinctes - l’une consacrée au sexe, l’autre à la résolution d’une énigme policière farfelue – l’œuvre de Gregg Araki est très habilement structurée et pourtant part dans tous les sens. Justement, les sens sont résolument aux aguets devant les images hallucinantes qui défilent devant nous. Ainsi, avec un esthétisme baroque, des lumières et des couleurs très kitsch qui collent très bien à l’ambiance, le long-métrage éveille tous nos sens et nous ragaillardit. Il bénéficie de plus d’une bande originale élaborée, majoritairement orientée pop-rock, qui passe de The XX à Placebo en passant par The Horrors.
Scènes de sexe décomplexées, culte du corps qui exulte, ouverture de l’esprit et de ses chakras : Gregg Araki nous emmène dans un trip fascinant et qui ne se limite pas qu’à cette apparence futile mais non moins agréable. Car ce que nous dit Kaboom, en substance, c’est que la fin du monde est proche, message qu’a priori on n’attendrait pas, au vu de l’aspect superficiel des images qui nous sont projetées. L’option première que l’on pourrait envisager serait que ce ne serait que le propos délirant d’un chef de secte sous LSD. Mais en fait ce n’est pas vraiment ça. Ce qu’Araki met habilement en valeur, c’est la décadence de la société contemporaine et sa vacuité. Le monde est pourri, nous filons tout droit vers une dégénérescence inéluctable.
Alors, que faire pour s’en sortir, eh bien selon Kaboom la réponse est simple en apparence. Il faut s’éclater, prendre du plaisir, profiter, ce qui est un programme loin d’être déplaisant. Résumer le propos de Gregg Araki en cette phrase liminaire serait caricaturer son propos, évidemment, mais il y a de ça dans cette vision. Celle-ci tient tout autant du cinéma de Luis Buñuel et de David Lynch, sans se prendre au sérieux, tout en analysant assez justement les rapports humains. Ici, le surnaturel, l’étrange, l’onirique est là pour nous rappeler notre condition de mortels. Servi par de jeunes acteurs non seulement beaux mais qui jouent impeccablement leur rôle quelquefois stigmatisé à outrance, le film est traversé par une énergie stimulante et grisante.