Le discours (2021) Laurent Tirard
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Le discours (2021) Laurent Tirard
Et le temps passe, d’hier en demain…
Ce n’est pas vraiment étonnant de voir, avec Le discours, Laurent Tirard travailler sur une œuvre basée autour du travail de Fabcaro. On connaît l’attrait que ressent le réalisateur pour les univers proches de la bande dessinée. C’est à lui que l’on doit les deux adaptations du Petit Nicolas, mais aussi Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté. Si son premier film, Mensonges et trahisons et plus si affinités…, avait valu à Clovis Cornillac un César du meilleur second rôle, le metteur en scène, qui a fait ses gammes aux États-Unis, s’est rapidement tourné vers des univers classique, imaginant une biographie pour Molière ou adaptant Sempé ou bien Goscinny et Uderzo. Après avoir travaillé avec Jean Dujardin sur deux films, il revient par des voies détournées à ses premières amours. Car si Le discours est un roman, il a été écrit par un auteur de bande dessinée, Fabcaro, qui avait été salué pour son œuvre Zaï zaï zaï zaï, adaptée au théâtre et dont les droits cinématographiques sont toujours en cours.
Sans crier gare, Sonia annonce à Adrien qu'elle souhaite faire une pause dans leur couple. Il a beau protester, et lui dire que la notion de pause n'existe pas dans une relation, rien n'y fait. Un mois plus tard, Adrien se trouve dans un dîner de famille où il s'ennuie profondément. Autour de lui se trouvent sa mère, ancrée dans son rôle de femme au foyer, son père et sa sempiternelle anecdote, sa sœur Sophie et son futur beau-frère Ludo, coincés dans un couple qu’il trouve sans éclat. Un peu plus tôt dans la journée, Adrien avait envoyé un texto à Sonia pour se rappeler à son bon souvenir. Plus la soirée avance, plus il se languit d'une réponse de sa part, tandis que leurs membres de sa famille ne cessent de converser platement autour de sujets banals tels que le chauffage au sol ou le réchauffement climatique. Alors que Sophie s'est brièvement absentée, Ludo demande à Adrien de tenir un discours lors de leur prochain mariage, ce qui plonge le jeune homme dans un abîme de perplexité.
La matrice du Discours, c'est l'illusion et l’imaginaire que peuvent apporter la démultiplication des récits. Le film est construit à partir de multiples flash-backs censés nous retranscrire les états d'âme de son personnage principal. Si la chronologie est resserrée autour d'un seul repas, une myriade d'effets nous transportent dans des lieux et dans des temporalités différentes. Laurent Tirard tire parti d'une mise en scène fluide pour faire en sorte que son dispositif s'adapte le mieux à son propos. Ainsi les interprètes se figent-ils pour laisser s'exprimer le visage anxieux de Benjamin Lavernhe quand il reconnaît la sonnerie distinctive de son téléphone recevant un message. Ou bien baissent-ils d'un ton, tout en continuant leurs conversations, lorsqu'il nous narre une anecdote essentielle nous instruisant sur la relation qu'il entretient avec sa compagne. Tout ceci est très habile et divertissant, faisant la part belle à une forme légère pour un fond qui l'est moins.
Car dans le fond, Le discours établit un constat désabusé sur la famille et sur le couple. Les relations qu’entretient Adrien avec l’ensemble des membres de son entourage n’est pas très brillant. Étirant le constat commun que l’on s’ennuie très souvent lors de dîners de famille, Laurent Tirard et Fabcaro dotent les membres de cette soirée de caractéristiques peu flatteuses. Ils tirent quasiment le traît jusqu’à faire un portrait acide de la petite bourgeoisie, qui s’ennuie en ménage et reproduit sans s’en rendre compte des schémas de vie éculés. On aurait presque envie d’adhérer à cette philosophie nihiliste et misanthrope, jusqu’à ce que l’auteur s’en extraie par une pirouette. Le film se veut malgré tout grand public, et l’on se doit de prôner un discours sympathique au final, qui ne choque personne et rassure les spectateurs. C’est dommage, d’autant plus que pour nous rallier à leur cause, les auteurs comptent sur un personnage qui peine à convaincre.
Cela résume justement une des majeures difficultés que peut ressentir le spectateur devant Le discours, à savoir l'adhésion avec son protagoniste. Adrien est un garçon inconsistant et autocentré, ne se remettant jamais en question. Nous sommes perpétuellement embarqués dans ses états d’âmes sans pourtant réussir à cerner son caractère. L’absence d’empathie que l’on ressent envers lui nous empêche de comprendre les ressorts de l’intrigue, y compris cette histoire d’amour qui traverse le film, et qui est censé être le moteur de la narration, mais qui ne nous est que très peu présentée. Benjamin Lavernhe lui-même a du mal à incarner ce jeune homme qui jongle, au sens propre comme au sens figuré, et finit par lasser. C’est dommage car de nombreuses bonnes idées émaillent le long-métrage, telle cette soirée déguisée ou cette métaphore autour de l’arbre à vœux. On en retient des idées de mise en scène originales, proches de cet univers de la bande dessinée cher à ses auteurs.