Drôle de drame (1937) Marcel Carné
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Drôle de drame (1937) Marcel Carné
Bizarre, vous avez dit bizarre
Dès le milieu des années 1930, le réalisateur Marcel Carné et le scénariste Jacques Prévert ont débuté une collaboration mémorable. Le deuxième film du cinéaste, Drôle de drame, les fera entrer au Panthéon du cinéma français a posteriori. Car à sa sortie, le long-métrage, peut-être trop avant-gardiste pour l’époque, est un échec cuisant. Son scénario est tiré du roman écrit par un auteur britannique, Joseph Storer Clouston, qui avait déjà été adapté dans un film muet américain vingt ans auparavant. Le tournage, très rapide, est devenu légendaire en raison des nombreuses tensions qui sont survenues entre les deux interprètes principaux, les excellents Michel Simon et Louis Jouvet, qui se détestaient copieusement en raison d’une rivalité théâtrale. On raconte que lors de la scène où est prononcée le fameux dialogue « [...] vous avez dit bizarre. Moi j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre... », les deux interprètes faisaient la compétition, à qui boirait le plus de coupes de champagne.
Dans la chapelle quasiment vide de Westminster, l’évêque de Bedford énonce un prêche contre les romans policiers, ceux qui les lisent et surtout ceux qui les écrivent. Il tient en particulier à stigmatiser l’un de ces auteurs, Félix Chapel, qui a récemment écrit Le crime modèle, et que personne n’a jamais rencontré. Il appelle pour parler de lui son cousin, le botaniste Irwyn Molyneux, qui semble décontenancé, peu habitué à parler d’autre chose que de sa passion pour les mimosas. Dans l’assemblée, un homme se lève alors pour prendre la parole : il a eu le malheur de lire le roman de Chapel, et a suivi ses conseils. Depuis lors, ayant mal agi, il est poursuivi par la police, jusque dans cet édifice. Il s’enfuit alors avec son vélo, après avoir proféré des menaces de mort contre l’auteur. Il s’agissait de William Kramps, un homme recherché pour avoir tué des bouchers. Entendant cela, Molyneux s’agite brusquement, à la grande surprise de son cousin, qui lui demande de se calmer.
Le scénario de Drôle de drame est construit d’une manière remarquable. Jacques Prévert parvient à tirer la substance du roman de Joseph Storer Clouston en l’adaptant parfaitement pour le grand écran. Le film ne souffre d’aucune baisse de régime, les situations se succédant les unes après les autres d’une façon très fluide. Le spectateur attentif saura trouver dans chacune des scènes quelques indices permettant d’anticiper les actions prochaines, sans que cela n’entrave l’avancée du récit. Ainsi l’on va vite comprendre que la brochure apportée par l’évêque chez son cousin tiendra une place plus tard dans la narration, ou que le simple fait que Molyneux soit si dévoué envers ses fameux mimosas occasionneront des quiproquos cocasses. Du reste, les personnages vont et viennent d’une séquence à l’autre très élégamment. Ainsi, durant toute une partie du long-métrage, l’on ne va pas entendre parler des uns ou des autres, pour qu’il réapparaissent selon un timing recherché.
C’est un peu l’art du théâtre de boulevard qui transparaît dans Drôle de drame. D’ailleurs le titre du film l’annonce, nous sommes en présence d’un mélange des genres, qui a peut-être pu déranger le public de l’époque. L’humour est présent à chacune des scènes, parfois de façon fine, d’autres fois beaucoup moins, mais en tout cas l’effet escompté fonctionne très souvent. Il en est ainsi de longs dialogues qui s’étirent parfois entre Michel Simon et Louis Jouvet, où le talent de dialoguiste de Jacques Prévert trouve un écho avec leurs expertises inégalées dans l’art de jouer avec les mots. Le ton général est burlesque, et l’on se croit parfois, paradoxalement, dans un film muet, où le rire provient des actions exagérément outrancières des protagonistes. Mais à cela s’ajoutent des répliques particulièrement bien senties, déclamées par des actrices et des acteurs dont la diction paraît aujourd’hui complètement désuète mais qui pourtant ajoute à l’efficacité drôlatique.
Et puis Drôle de drame n’hésite pas à se moquer assez frontalement de ses contemporains. Dès la première scènes, des inserts nous font voir ces bonnes dames des guildes de vertu, qui s’extasient devant le discours ridicule de cet ecclésiastique qui prétend faire salle comble alors que l’assemblée est plus que parsemée. Et petit à petit, chacun va être discrètement raillé, des policiers qui bâclent leur travail, n’hésitant pas à accuser l’un ou l’autre sans aucune preuve, au peuple avide de sensations fortes qui cherchent un prétexte pour se liguer contre une figure maléfique, avec l’aide des médias qui amplifient les fausses rumeurs. Le fait que Marcel Carné campe son récit en Angleterre n’est sans doute pas innocent, au-delà de la fidélité à l’auteur dont le roman est ici adapté. Le ton employé, qui use d’un humour britannique si particulier, permet de faire passer discrètement quelques messages bien sentis, d’autant plus que, peut-être, cela laissait-il plus de latitude au réalisateur dans ce champ de la satire.