Deux (2020) Filippo Meneghetti
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Deux (2020) Filippo Meneghetti
On n'est pas sérieuse quand on a 70 ans
Le réalisateur de Deux est italien, a fait ses gammes à New-York avant de récemment s’installer à Paris. Si Filippo Meneghetti a à son actif trois court-métrages, c'est son premier long. Pour le scénario, qu'il a écrit avec Malysone Bovorasmy, il s'est inspiré de plusieurs personnes qu'il a croisées, notamment ces deux femmes veuves qui habitaient en face l'une de l'autre et laissaient régulièrement leur porte d'entrée ouverte pour se sentir moins seules. Car il s'attèle à un sujet à la fois en vogue et rarement aussi frontalement abordé, celui de la vieillesse et de la dépendance, qu'elle soit physique ou affective. Il n'hésite pas à engager deux actrices qui ne trichent pas avec leur âge et à qui on ne donne malheureusement pas souvent de premiers rôles au cinéma, que ce soit Martine Chevallier ou bien Barbara Sukowa, à l'aise dans la langue de Molière. Le film ressort après avoir reçu le César du meilleur premier film et avoir été sélectionné pour représenter la France aux Oscars dans la catégorie Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Deux petites filles jouent à cache-cache dans un parc quand l'une d'elle disparaît. La seconde l'appelle en vain, sa voix couverte par le bruit de corbeaux. Dans un appartement, une femme d'un certain âge, Madeleine, se prépare avant d'aller se coucher. Sa compagne Nina la regarde tendrement, la rejoint et elles s'embrassent fougueusement. Le lendemain, elles vont faire des essayages de vêtements. Madeleine évoque son impatience devant leur prochain voyage à Rome, et s'imagine s'inventant pour l'occasion une vie où elle serait une ancienne championne de natation. Plus tard elle se fait coiffer par sa fille Anne et lui parle de son frère, qui refuse de répondre à ses coups de téléphone. Voyant que sa mère lui trouve des excuses Anne s'emporte alors et lui rappelle combien il a été incompréhensif quand Madeleine a trompé leur père. Un jour plus tard, un agent immobilier vient visiter l'appartement de Madeleine, qui souhaite le mettre en vente.
L'esthétique de Deux est tout à fait saisissante. La photographie du film, avec ses couleurs saturées, amène dès le début chez le spectateur un sentiment de malaise, qui monte crescendo. Le travail sur le son ajoute à cet inconfort, avec les bruits de fond qui prennent parfois le pas sur les paroles prononcées. La mise en scène de Filippo Meneghetti, très sobre, ne fait qu'amplifier cette étrangeté, qui provient en grande partie par le mélange des genres souhaitée par le réalisateur. Si le film commence comme une douce comédie romantique, il se mue petit à petit en un thriller anxiogène, sans que l'on s'en rende vraiment compte. Tout fonctionne ainsi par petites touches, à l'image du regard que l'on porte sur les personnages, qui évolue doucement au fur et à mesure que l'intrigue nous porte vers le propos principal du long-métrage. Ainsi l'atmosphère du film évolue-t-elle constamment, et les sentiments que l'on éprouve passent de l'émotion à la frayeur en un rien de temps.
Car dans le fond, Deux a un propos bouleversant, qu'il déroule à son rythme. La référence évidente est forcément Amour, bien que le traitement apporté par Filippo Meneghetti n'a rien à voir avec celui de Michael Haneke. Tandis que le réalisateur autrichien manie avec brio, comme il en l'habitude, la froideur et la sécheresse, Meneghetti nous emporte avec des petits riens bouleversants. Dans le film, l'attention apportée aux détails, au travers de gros plan bien orchestrés, atteint parfaitement sa cible. Ainsi, un clignement d'yeux, une étincelle dans le regard nous bouleverse au plus haut point. Et un des atouts que développe le réalisateur réside dans le fait qu'il ne triche jamais sur son sujet. Dès le début, on voit deux femmes âgées s'embrasser avec volupté : l'amour n'a pas d'âge, et le désir non plus. Puis apparaît nettement le thème de l'homophobie, à la fois intériorisée et au sein de la famille, les deux aspects étant analysés de façon très fine.
Et cela va sans dire mais Deux ne serait rien sans ses deux actrices principales. C'est un bonheur immense que de voir ici Barbara Sukowa, qui était magistrale dans Lola, une femme allemande. L'égérie de la Nouvelle vague allemande dans les années 1980, qui avait obtenu un Prix d'interprétation au Festival de Cannes pour son interprétation dans Rosa Luxembourg, nous offre une prestation impeccable, son accent ajoutant au décalage et apportant un charme fou à cette histoire. Quant à Martine Chevallier, elle est tout bonnement exceptionnelle dans un rôle pas facile du tout auquel elle donne toute son humanité et sa grâce. Au delà de carrière impressionnante à la Comédie française, on connaît son talent à s'emparer de second rôles au cinéma, et c'est un pur plaisir que de la voir ici au premier plan, magistrale. À leurs côtés, Léa Drucker pourrait faire pâle figure et pourtant elle parvient à s'imposer, par petites touches,. Bref, voilà un film à ne pas rater.