Aujourd’hui plus qu’hier
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Aujourd’hui plus qu’hier
Kent, Partout c’est la merde (Kent Cockenstock), CBS, 1983.
Morceau à retrouver ici.
Retourne d’où tu viens
Hervé Despesse a choisi le pseudonyme de Kent Cockenstock pour faire carrière. Cela a sûrement à voir avec le reporter à la houppette et au petit chien, la suite nous expliquera pourquoi.
Il se fait d’abord remarquer en tant que chanteur de Starshooter ("un groupe efficace et dynamique dans une société saine"), groupe de punk-rock lyonnais (1977-1982) à qui l’on doit, entre autres choses, une reprise énergique du Poinçonneur des Lilas, une chanson intitulée Betsy Party (qui sera reprise plus tard par les Bérurier Noir) ou encore Get Baque, morceau épitaphe qui veut enterrer la vieille pop à papa :
« On veut plus de Beatles et de leur musique de merde
Bonne à faire danser les minets
Les radios nous bassinent pour assurer leurs salaires
J’en ai rien à foutre qu’ils crèvent
Get Baque »
En parallèle, il dessine : illustration des pochettes des disques du groupe et bandes dessinées, d’où le pseudo, tu me suis ?
J'en avais déjà parlé ici.
Starshooter se sépare en 1982. Les groupes punk ne sont de toute façon pas faits pour traîner en longueur. Couplet, refrain, couplet, refrain, pas de pont, pas de solo. Vite fait bien fait. Par la suite Kent se lance dans une double carrière : chanteur et dessinateur BD chez les Humanoïdes associés.
Sous les sunlight des tropiques
En 1982, il sort un premier album, dont est tiré le single Partout c’est la merde. Sur une rythmique reggae, le morceau se présente comme l’exact négatif d’Emmenez-moi, la chanson d’Aznavour, dans laquelle un pauvre homme voyait arriver tous les jours les bateaux sur le port, rêvant de s’enfuir au bout du monde, sur les îles enchanteresses et ensoleillées, d’où le fameux refrain :
« Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil »
Chez Kent, le personnage vit dans les îles et rêve de la métropole.
Premier couplet, Jérémie vit dans une sorte de bidonville :
« Sa maison est en bois derrière l’aérogare
Tôle ondulée sur le toit, vue sur le dépotoir »
C’est l’envers de la carte postale.
Deuxième couplet, il rêve de s’en aller :
« Ici il broie du noir, l’a pas beaucoup d’argent
Il paraît que c’est mieux là-bas, y a du pognon »
Il paraît, il paraît.
Dernier couplet, c’est la désillusion :
« Jérémie maintenant habite vers Saint-Lazare
Il n’a pas plus d’argent mais travaille plus tard
Et plein d’emmerdements et tout un tas d’histoires car
Beaucoup de gens voient rouge ici quand on est noir »
Et cette fois ce n’est plus Emmenez-moi mais Lilly de Pierre Perret.
Les paroles :
Parabole
Pendant que Tchouang Tseu rêve qu’il est un papillon, il n’est pas exclu que le papillon rêve qu’il est Tchouang Tseu. Demande à Cidrolin (si tu ne sais pas qui est Cidrolin, va voir du côté de Raymond Queneau).
L’autre bout du monde n’est pas le même selon que l’on se tient gare Saint-Lazare ou à Saint-Denis de La Réunion, mais dans tous les cas, la conclusion est sans appel :
Partout c’est la merde.
Reconnaissance
Dans les années 90, Kent connaît le succès auprès du grand public par l’intermédiaire de la chanteuse Enzo Enzo, dont il soigne les paroles, en particulier la chanson Juste quelqu’un de bien, chanson de l’année aux victoires de la musique 1994. Certains puristes crieront au scandale, à la prostitution, comme à chaque fois qu’une personnalité issue de l’underground accède à la lumière. Mais peut-on en vouloir à ces artistes de rencontrer une plus large audience, et le pognon qui peut aller avec, lorsqu’ils produisent des choses dites plus commerciales ?
Et puis le pessimisme absolu de ce titre me parle :
Partout c’est la merde.
Aujourd’hui plus qu’hier, et bien moins que demain !
Stéphane Hoegel 1 year ago
Je ne savais pas du tout qu'il avait eu une carrière de dessinateur BD ! J'en apprends tous les jours grâce à toi Benjamin, merci.
Kent, je l'ai longtemps confondu avec Ken (Grégory Ken, le gars de Chagrin d'Amour, pas le boyfriend de Barbie)(Barbie la poupée, pas Klaus).
Grégory Ken aussi ferait un client sympa pour un de tes articles je pense... ;-)
Benjamin Mimouni 1 year ago
Je pense aussi, affaire à suivre donc.