Rest' là maloya (1/5)
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Rest' là maloya (1/5)
Deuxième partie : Mélodie vagabonde (16)
D'abord on écoute ici.
Rest' là maloya
Pierre, Paul, Jacques ecqu' Joseph
Carreau, pique, cœur, sembl' trèle
Té partis fait campagne
Pou sait pas quel Charl'magne
Garottés d'in bel' pagne
Grimpent là-haut la montagne
Comme seule résolution
Fane zot' dépitation
Zot' té baignent d'in l'incompréhension
Qu' l'était vraiment totale
D' mounes té qui dit
Ça band' là pas normal'
Vautrés d'sus la plage La Réunion
Ou bien d'in cité béton
Quantité la morale
Zot' té y avalent,
Malgré zot' figure lend'main coup d' vent
Té veut voir quo ça n'avait plus d'vant
Refrain
Rest' là maloya, rest' là maloya (bis)
Rest' la même
(Bis)
Mon p'tit maman gâtée
Douleurs l'a dû passer
Pou avoir fait à moin
Oui ton garçon Alain
Néna aussi mon fille
L' p'tite Ananda Dévi
Qu' la connu son papa
D'sus l' marche le plus en bas
Pas tous, pas tous les jours
Moin l'était pou toué un bon soutien
Mi ar'connaît qu'moin l'a fait
Plus d' mal que d' bien
Marco bon peu n'aurait pas pu faire
Ça que toué l'a fait pou moin
Quand toué l'a ramasse à moin dans' chemin
Faut pas colle couplet ecqu' le refrain
Sans trop rod' qui côté ça i vient
Refrain
Mi dis té pas facile
Band' pensées pas dociles
Faut lave nout' band' péchés
Ec iembout communier
Prend pas nous pou gorilles
Nous veut ar'trouve nout' l'île
Pas trop martyrisée
Ecqu' tout' l'a dit, l'a fait
Aussi, zordi mi veut bien 'ssaye râle
In coup d'sus le refrain
Pas si tan borde le rhum ecqu' tout' le vin
Bon Dieu à cet' heure n'a rien qu'ou
Pou tire à moin dan' ce recoin
Mi préfère largue mon l'âme dans out la main
Mi connaît pou moin s'ras difficile
Mais mi voudrait pi ar'tourne l'asile.
Refrain
Une chanson singulière
Dans la courte discographie d'Alain Péters, Rest' là maloya est un cas tout à fait singulier. Il est d'ailleurs surprenant de constater que cette chanson est souvent considérée comme sa plus emblématique tant elle détonne par rapport au reste de son œuvre. La dernière compilation en date qui lui est consacrée s'intitule ainsi. C'est également le morceau que les anciens membres de Caméléon, René Lacaille, Joël Gonthier, et Loy Ehrlich, accompagnés de Danyel Waro ont choisi de mettre en avant pour saluer la mémoire de leur ami : Rest' là maloya : hommage à Alain Péters (Cobalt, 2003). C'est sans doute parce qu'il y a dans le titre le mot maloya, qui véhicule dans son sillage l'histoire de la musique réunionnaise toute entière, entre tradition et modernité, le passif de l'esclavage et de la répression, de la clandestinité, de la survivance et de la résurrection. Il y a aussi le verbe « rester » qui sous-entend la résistance et la constance dans le temps.
Paradoxalement, c'est la chanson qui a été le plus souvent reprise alors que c'est sa plus personnelle, par définition celle qu'il est censé être le seul à pouvoir chanter. Danyel Waro l'a chantée, le groupe Tue Loup l'a adaptée en français, la chanteuse Mart'Nàlia en brésilien sous le titre Essa Mania (Rest' la maloya). Sur son album Baron Samedi, Bernard Lavilliers en livre une version inédite. Il a gardé le refrain et la ligne mélodique mais a complètement réécrit les paroles des couplets, y imprimant ses propres obsessions : l'errance, l'exil, la prison, la pauvreté et l'or. C'est assez réussi. Mais à mon sens, c'est la version du Wati-Watia Zorey Band qui surpasse toutes les autres. Les deux voix féminines se relaient à merveille, s'entraînent l'une l'autre, se répondent et s'entremêlent. La magie bouleversante du texte peut alors éclater dans toute sa splendeur. Il y a juste ce qu'il faut d'arrangements pour s'approcher de la perfection, quelques sons de guimbarde. Voilà pour les principales reprises, et je ne recense pas les prestations télé de toutes les starlettes locales ni toutes les vidéos cadrage Youtube sur la guitare, tête coupée, il y en a des dizaines. Certains chantent dans un créole naturel, certains en prennent les intonations, forcent le trait, certains traduisent, certains adaptent et certains réécrivent, mais la chanson résiste à tout. C'est dans sa version la plus dépouillée qu'elle est le plus touchante. Alain Péters y montre autant de force que de faiblesse.
Merci à Eric Ausseil pour les illustrations.