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Vers la netteté

Vers la netteté

Publié le 26 août 2022 Mis à jour le 26 août 2022 Musique
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Vers la netteté

 

Deuxième partie : Mélodie vagabonde (2)

Trouver sa propre voie

Une seconde vie s'ouvre à lui à présent, très différente de la première. Au fur et à mesure que sa carrière avance, Alain Péters va vers de plus en plus de dépouillement. Au début, il jouait dans un orchestre, puis le nombre de musiciens autour de lui a diminué, il a commencé à travailler au sein de formations plus réduites, des groupes de quatre ou cinq personnes. C'est moins de monde, moins d'instruments, mais pas nécessairement moins de bruit car il y a les amplis, les guitares électriques : l'heure est au rock à la Led Zeppelin. Ensuite il change de sphère et commence à s'intéresser au rock progressif et à des choses plus psychédéliques, avant d'abandonner aussi cette musique venue d'Angleterre et des États-Unis pour se plonger dans des racines plus personnelles et faire revivre le maloya. Jouer comme Jimi Hendrix ou écrire comme Victor Hugo, cela ne le satisfait qu'un temps. Il veut voler de ses propres ailes. Très vite ses diverses influences fusionnent pour donner naissance à un maloya moderne qui mêle histoire et rythmes traditionnels à des sonorités électriques, y injectant aussi des éléments venus d'Inde ou d'Afrique, tout ce qui fait la spécificité de La Réunion en somme. C'est la grande époque du Studio Royal et de Caméléon, puis de Carrousel.

Ce mélange, on va bien sûr le retrouver dans les productions Diffusion Royale et Disques Issa de la fin des années 70 et, dans une moindre mesure, sur l'album Chante Albany dont la direction artistique lui a été confiée. Peu à peu, Alain Péters va vers plus de simplicité, plus d'authenticité. Les sons électriques se font de plus en plus rares dans ce qu'il propose, au point de disparaître.

 

Le son clair

Dans les années 80, il va vers plus de dépouillement encore. Certes il vit dans le dénuement le plus total, quasiment à la rue parfois, et va enregistrer dans des conditions très précaires, mais ce ne sont pas les seules raisons. Sa musique retourne aux racines, viscéralement, inéluctablement. Il est à la recherche d'un son céleste, un son sans fioritures et très peu arrangé. Pour l'obtenir, il ne s'en remet qu'à lui seul, jouant tour à tour de tous les instruments. Il aspire à une musique décharnée, une musique brute qui passerait presque sans intermédiaire de son cœur à la bande magnétique, comme s'il voulait capturer les sons à l'état naturel, comme si le bouc venait directement jouer de la takamba et frotter des sacs en plastique devant le micro pour imiter le kayamb. C'est à ce moment-là qu'il semble être parvenu à ce qu'il voulait faire, dans l'oubli de soi et l'âpreté. Ce sera le 45 tours Romance pour un zézère/Panier sur la tête mi chanté et la cassette Mangé pou le cœur en 1984, aux éditions Village Titan. Après cela, il retournera parfois en studio, très rarement, mais ne changera plus jamais de cap. Musicalement, il a ici atteint son apogée. Il a trouvé le son exact qu'il cherchait et l'emmènera désormais partout avec lui.

 

Revival

En 2003, ses anciens acolytes de Caméléon et de Carrousel, Loy Ehrlich, Joël Gonthier et Hervé Imare, accompagnés de Danyel Waro, reprendront ses chansons sur l'album Rest' la maloya : Hommage à Alain Péters (Cobalt). Ils vont en respecter l'esprit, bien sûr, mais personnellement je trouve qu'on s'y perd un peu: il y a trop de monde, trop de tapage, trop d'instruments, trop de voix. C'est un noble effort de faire revivre ainsi son œuvre de temps à autre, pour lui offrir un plus large public, mais le son brut que l'on retrouve dans les enregistrements qu'il a supervisés ne souffre aucune comparaison. L'esprit d'Alain Péters est là, fragile, fugace, c'est seulement un souffle, un son qui risque de se perdre à tout moment et qu'il faut préserver.

Merci à Eric Ausseil pour l'accompagnement.

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