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Un éclair, puis la nuit

Un éclair, puis la nuit

Publié le 17 mars 2023 Mis à jour le 17 mars 2023 Musique
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Un éclair, puis la nuit

 

Deuxième partie : Mélodie vagabonde (29)

 

 

 

Une question de contexte

Pour comprendre l'histoire d'Alain Péters et la postérité incroyable de ses chansons, il faut se dépêtrer de ces considérations métaphysiques et redéfinir les contours de sa vie, dans lesquels son œuvre artistique s'inscrit inévitablement, puis se plonger dans l’œuvre elle-même, son essence et sa particularité, se remémorer le contexte historique et social dans lequel elle s'inscrit, et comment elle parvient à s'en échapper, et même à le changer. Car c'est une œuvre révolutionnaire qu'il laisse derrière lui, dont l'importance est inversement proportionnelle au volume, une œuvre qu'on peut certes replacer dans une chronologie et un contexte, mais qui dépasse de loin les limites de l'île de La Réunion où elle est née.

De son vivant, Alain Péters n'a eu qu'une toute petite audience mais aujourd'hui ses chansons rayonnent. Son souvenir est encore là, vigoureux. L'intégralité de son œuvre peut tenir sur un seul CD : 25 titres, 49 crédités à la SACEM reprises comprises, mais le peu de personnes qu'il a touchées, il les a bien touchées, au cœur directement, il a fait mouche, et tous ces gens qui l'aimaient l'ont soutenu de son vivant, pas tous, et pas toujours, mais en grande majorité, et puis l'heure n'est pas au règlement de comptes. Ils l'ont encouragé à écrire, à enregistrer, ils l'ont soigné quand il était au plus mal, ont pansé ses blessures, ils l'ont suivi, accompagné, et ils ont continué à l'accompagner après sa mort. Ils ont repris le flambeau et ont continué à chanter ses chansons, à les faire vivre, les ont remastérisées, réarrangées, compilées, diffusées. Puis d'autres sont venus, qui étaient à peine nés quand il est décédé. De proche en proche, ils ont réussi à sauvegarder ce patrimoine rare et à le porter jusqu'à nous.

 

Postérité

En premier lieu il y a eu l'ADER et Village Titan, Alain Gili, Alain Séraphine et Jean-Marie Pirot, puis le label Takamba et les musiciens qui jouaient avec lui dans les années 70 : Loy Ehrlich, René Lacaille, Joël Gonthier, Danyel Waro, puis les compilations des labels Strut, Bongo Joe et FolkWelt et enfin Rest' là maloya. En 2016, les chansons les plus emblématiques d'Alain Péters ont été reprises par le Wati-Watia Zoreys Band sur l'album Zanz in lanfèr. Ce disque contient aussi deux titres inédits qu'Ananda Dévi Péters a extrait d'un des cahiers de chant de son père. Comme Brassens avec Antoine Pol, Zanz in lanfèr a permis de faire apparaître au grand jour ce qui était resté secret pendant de longues années.

Voilà rien que pour la musique, mais on pourrait également parler du prix Alain Péters créé par le festival Sakifo, des concerts hommage, de la bibliothèque Alain Péters. Alain Péters à toutes les sauces, démultiplié. Son souvenir a largement dépassé les limites de sa vie et les contours de La Réunion. La postérité est en marche. Il a perdu beaucoup de choses dans la bataille, des plumes ou bien des franges, il a laissé des pans entiers de sa vie lui échapper, par mégarde, parce qu'il ne pouvait pas faire autrement, mais il reste de belles choses. Il fait aujourd'hui figure d'écorché vif parti trop tôt et son œuvre lui survivra, longtemps. Et elle lui survivra de belle manière. Comme il ne laisse pas des centaines d'heures d'enregistrement, aucune chance que des requins malveillants n'exploitent ce filon sans scrupule, jusqu'à plus soif, jusqu'à en épuiser l'authenticité. Il ne laisse pas des tonnes de brouillons non plus. Il est parti comme il a toujours vécu, sans attaches. Il ne reste de lui que ce qu'il a choisi ou presque, et ceux qui reprennent son répertoire sont des personnes qui l'ont aimé et admiré. Ils sont précautionneux à l'extrême et ne risquent pas de salir quoi que ce soit, bien au contraire.

Alain Péters est parti brusquement sans dire au revoir, sans vraiment mettre d'ordre dans ses affaires, mais le peu qu'il nous a laissé est tel qu'à l'origine, inchangé.

 

Le titre est emprunté à un poème de Charles Baudelaire (A une passante)

 

Toujours présent : Eric Ausseil, merci.

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