La vierge des tueurs (2000) Barbet Schroeder
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La vierge des tueurs (2000) Barbet Schroeder
Amour et mort à Medellín
Dans la filmographie de Barbet Schroeder, on peut considérer que La vierge des tueurs tient une place à part, au regard de son aspect relativement personnel, tout en demeurant cohérent avec son parcours de cinéaste. Dès l’âge de 6 ans, il va passer une petite partie de son enfance en Colombie, suivant son père, un géologue suisse. C’est peut-être pourquoi il a été attiré par le roman de Fernando Vallejo qui s’inspire de la propre vie de l’écrivain. L’histoire se déroule à Medellín et décrit de façon assez brute la vie quotidienne locale, ce qui lui a valu de nombreuses controverses à sa sortie. Ce n’est sans doute pas pour déplaire à Schroeder, qui s’est souvent intéressé à des sujets et à des personnages controversés tels Amin Dada, Sunny von Bülow ou plus tard Jacques Vergès. Le réalisateur tient à recruter une équipe locale, prenant pour le rôle titre le comédien Germán Jaramillo et pour son amant le jeune Anderson Ballesteros, qui fera une carrière principalement télévisuelle.
Fernando, écrivain, revient à Medellín, qu’il a quitté trente ans plus tôt. Il est accueilli par un de ses amis dans un bordel où il rencontre le jeune Alexis, 16 ans, dont il tombe immédiatement sous le charme. Très vite, il lui propose de venir vivre avec lui et le gâte en lui offrant une chaîne hi-fi, que le jeune homme va immédiatement utiliser en écoutant la musique très fort, au grand dam de Fernando. Touché par sa fraîcheur, celui-ci explique à son amant qu’il est revenu en Colombie pour y mourir, et lui raconte combien la ville était calme dans les années 1960. Alexis, quant à lui, raconte à l’écrivain sa vie quotidienne, ponctuée de violence et de vols, au sein des divers réseaux de narcotrafiquants. Il fait lui-même partie d’un gang, et il lui fait rencontrer plusieurs de ses membres, qui régulièrement préviennent le jeune homme quand des bandes rivales le cherchent. Bien que pas particulièrement croyants, ils visitent régulièrement des églises et déambulent dans les rues.
La vision de la vie quotidienne à Medellín que nous présente La vierge des tueurs est assez impressionnante. Le réalisateur, et par conséquent le spectateur, opte pour le point de vue d’un outsider, qui l’est devenu après avoir passé de nombreuses années à l’étranger. Cet exil a-t-il déformé l’image qu’il avait de la ville trente ans auparavant, celle-ci étant de plus celle d’un enfant, ou la situation s’est-elle détériorée durant cette période, nous ne le saurons pas vraiment, tout en pouvant supposer que la deuxième option semble probable. Car c’est un des intérêts de ce positionnement temporel, puisque Pablo Escobar y a régné des années 1970 aux années 1990, entraînant avec lui un déferlement de violence considérable. Nous avons l’occasion de découvrir l’ensemble de l’agglomération, et non pas uniquement les quartiers défavorisés, plus souvent pris comme cadre dans les fictions ou les documentaires situés à Medellín. Or le contraste entre les deux univers est saisissant.
Car même si de nombreux actes de vandalismes sont exercés dans la ville basse, où s’est établi le protagoniste de La vierge des tueurs, une certaine absence de porosité semble s’établir avec la partie haute de la ville, où les plus pauvres cohabitent. La dialectique du film est d’ailleurs certes classique mais assez habile, elle fait opposer deux personnages qui proviennent chacun d’un de ces deux univers. Fernando n’a jamais entendu parler des quartiers qu’évoque Alexis, et n’est jamais allé là où le jeune a grandi. Celui-ci a d’ailleurs coupé les ponts avec sa famille, comme on l’apprendra par la suite, mais il demeure sans cesse rappelé vers sa vie d’avant. D’une part parce que, et c’est bien montré, parce que la violence entraînant la violence, il conserve ses habitudes de petit gangster, et le film cultivera jusqu’au bout ce constat d’impossibilité de progression sociale. D’autre part, car les actes qu’il a commis lui ont valu tellement d’ennemis qu’il est une cible à abattre où qu’il soit.
Au milieu de cet océan de brutalité, La vierge des tueurs propose une histoire d’amour simple et limpide. Si l’on peut se montrer sceptique au début du film quant à la sincérité des sentiments rapidement esquissés entre cet homme d’âge mûr et cet adolescent, la suite nous fera bien comprendre que ces deux-là se sont bien trouvés. Plus qu’une relation homosexuelle, il s’agit donc d’un lien de pédérastie, fort et réciproque, et où les deux hommes ont à apprendre l’un de l’autre. Le sujet de l’homosexualité est d’ailleurs traité tout à fait franchement, et peut étonner au regard des circonstances. Alexis n’a visiblement aucun problème à assumer son orientation sexuelle, et bien que l’homophobie s’exprime verbalement de façon courante, on ne sent pas une hostilité permanente de la société sur le sujet. La présence quasi constante de la religion peut sembler exotique à des publics occidentaux, mais révèle pourtant une certaine réalité partagée par de nombreux sud-américains.