La règle du jeu (1939) Jean Renoir
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La règle du jeu (1939) Jean Renoir
Masters and servants
Si il y a un film français qu’on peut qualifier de mythique c‘est bien La règle du jeu. Tourné juste après La grande illusion, le film recueille un accueil plus que mitigé de la part de la critique. Jean Renoir retourne alors en salle de montage et détricote l’intrigue du film, qui perd en cohérence. Bien des années plus tard, les critiques de la Nouvelle Vague réévaluent le long-métrage et l’encensent, après qu‘il fut reconstitué par deux cinéphiles chevronnés sous les conseils du réalisateur. Car la version initiale du film a été détruite lors d’un bombardement allié en 1942 : une ou deux (infimes) incohérences scénaristiques en témoignent encore aujourd’hui.
Revenant d‘une traversée de l‘Atlantique en avion, André Jurieux est accueilli par une foule en délire. Il aperçoit son ami Octave qui le félicite, et il lui demande où est Christine, pour qui il a fait cet exploit. Celle-ci est absente et André, furieux, s’en prend à elle lors d’une interview radiophonique. On la retrouve dans sa chambre, s’apprêtant en écoutant les nouvelles à la radio. Elle retrouve son mari Robert, qui la taquine sur sa relation avec André. Mais Robert reçoit un coup de téléphone de Geneviève, sa maitresse, qui le presse de quitter Christine alors que lui est lassé de cette relation adultère.
Au premier abord, La règle du jeu se présente comme un marivaudage. Et c’est dans cet esprit que Jean Renoir l’a créé, lui qui qualifiait le film de « drame gai ». Le ressort comique fonctionne d’ailleurs admirablement, tant au niveau du scénario, qui multiplie les intrigues légères, que de la mise en scène virevoltante. La caméra tournoie sans cesse, particulièrement lors de la partie fine organisée au château. On se croirait dans du théâtre de boulevard, et la multiplicité des plans larges ainsi que l’utilisation habile de la profondeur de champ renforce cet effet.
Ainsi les invités de la fête, caricaturaux, ont des saillies verbales très drôles, mais qui mettent aussi en évidence leur vilénie. Car au fond La règle du jeu est tout sauf un film comique. Quelques signes apparaissent lors de la partie de chasse organisée par la marquis. On peut y voir des images absolument magnifiques d’animaux apeurés pourchassés sauvagement par des aristocrates sans scrupules ; on assiste même à l’agonie poignante d’un pauvre lapin qui n’avait rien demandé. Ces scènes tout sauf inutiles annoncent le thème principal, à savoir la mort.
Cette thématique transparait dans tous les aspects du film, que ce soit la chronique d’une classe en fin de règne, les relations délétères qu’entretiennent les maîtres et les servants (ne savant jamais sur quel pied danser, celui de la complicité ou de l’obséquiosité) dans un climat d‘entre-deux guerres. L’étude compatissante et néanmoins savante de la nature humaine, la beauté des plans, la qualité de la mise en scène et de la direction d’acteurs : tout fait de La règle du jeu un exemple qui inspira de nombreux réalisateurs, en tête desquels Robert Altman avec son magnifique Gosford Park.