La ballade de Narayama (1983) Shohei Imamura
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La ballade de Narayama (1983) Shohei Imamura
Cruauté bien ordonnée commence par soi-même
C’est une légende locale qui fournit à Fukazawa Shichiro la trame de deux nouvelles dont s’est adapté très librement Keisuke Kinoshita pour réaliser en 1958 un film dont Shohei Imamura a fait ce remake en 1983. Puis La ballade de Narayama obtint la Palme d’or au Festival de Cannes, première des deux récompenses suprêmes qu’obtiendra le réalisateur (la deuxième sera pour L’anguille en 1997). Avec tout son talent, Shohei Imamura s’applique à dépeindre ici un village isolé au cœur des montagnes dans le Japon du XIXe siècle, sa violence et son sens de l’honneur.
Le cadre formel est élégamment mis en scène : La ballade de Narayama s’ouvre et se ferme par une tempête de neige sur un petit village ; entre temps, une année se sera écoulée, le temps pour Orin de régler les derniers détails avant sa mort prochaine. Le temps de trouver une deuxième épouse à son fils aîné et de lui donner de précieux conseils, mais aussi de se préparer à ce voyage sans retour et de convaincre ses proches que c’est la seule issue.
L'unité temporelle de La ballade de Narayama fait penser rétrospectivement au plus tardif et très beau Printemps, été, automne, hiver... et printemps du coréen Kim Ki-duk, et ce n’est d’ailleurs pas le seul point commun que l’on peut trouver entre les deux films, qui pourtant a priori n'ont pas grand chose en commun. Pourtant la nature est omniprésente dans les deux œuvres et semble nous rappeler, dans une perspective toute orientale, que nous faisons tous partie d’un même cycle éternellement renouvelé.
C’est ce cycle qui conduit Orin, après tous ses ancêtres, à s’offrir au seuil de sa vie au dieu Narayama. Elle accomplit cette action rituelle afin de ne plus être une charge pour la communauté et ainsi perpétrer l’honorable tradition à travers ce geste qui peut sembler cruel. Cette coutume nous semble en effet d’une violence inouïe (tout comme nombre des actions de cette communauté rurale), mais c’est justement sur ces différents systèmes de valeurs entre hier et aujourd’hui que l’on est amené à se questionner dans La ballade de Narayama.
Très critique sur la société moderne, Shohei Imamura avait d’ailleurs déclaré que « le Japon d'avant-guerre était certes plus pauvre, mais les gens du peuple y avaient plus de cœur, ils étaient moins motivés par l'abondance ». Cette époque qui nous semble si barbare fonctionne tout simplement avec ses propres codes, et si la société a depuis tellement évolué, on est en droit de se demander si c’est véritablement à tous les niveaux un bienfait. C'est en tout cas le message que semble si joliment nous transmettre La ballade de Narayama.