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Voyage au bout de l’'enfer (1978) Michael Cimino

Voyage au bout de l’'enfer (1978) Michael Cimino

Publicado el 8, dic, 2021 Actualizado 8, dic, 2021 Cultura
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Voyage au bout de l’'enfer (1978) Michael Cimino

La fin de l’innocence

Le deuxième film de Michael Cimino commence à forger la stature d’un réalisateur à la fois brillant et maudit, ce que confirmera La porte du paradis. Le tournage de Voyage au bout de l’enfer a été une véritable épreuve de force. Dépassant le budget et multipliant les conditions de tournage difficiles, le film de Cimino décrochera au bout du compte cinq Oscars hautement mérités. Dans une période trouble, n’hésitant pas à aborder un sujet sensible dans l’opinion (la guerre du Vietnam vient tout juste de s’achever), le réalisateur impose une vision apocalyptique du conflit, juste avant celle de Francis Ford Coppola et de son Apocalypse now. Notons au passage que c'est le dernier film de John Cazale, souffrant d'un cancer dès le début du tournage et pour lequel sa compagne Meryl Streep accepta d'interpréter un rôle.

Cinq amis, Michael, Nick, Steven, Stan et Axel, sont ouvriers dans une aciérie de  Pennsylvanie. Leur travail routinier les expose à la chaleur du metal en fusion, et ils passent leur temps libre au bar, où ils connaissent le patron, John, où bien à la chasse au daim. Bientôt Steven épouse Angela, qui est enceinte d'un autre homme, et ils ne vont pas tarder à partir combattre au Viêt Nam. Une fois le banquet terminé, Steven dit à Nick qu'il n'est pas le père de l'enfant et partage ses craintes sur le futur. Deux ans plus tard, Steven, Mike et Nick, incorporés, sont fait prisonniers et on les oblige à pratiquer la roulette russe, leurs geôliers pariant sur le survivant. Steven se défausse et il est envoyé dans un cachot boueux. S'affrontant, Mike et Nick s'en sortent in extremis, tuant leurs tortionnaires, et s'enfuient, libérant au passage Steven. 

Ainsi la première partie de Voyage au bout de l'enfer s’attache à nous présenter les personnages, trois amis qui s’apprêtent à partir au Viêt Nam le lendemain du mariage de l’un deux, Steven (campé par un John Savage très émouvant). Au détour de quelques scènes de joyeuse communion (comme les affectionne particulièrement Michael Cimino), on peut ressentir une tension palpable quand ils rencontrent un soldat, remarquer une appréhension déguisée derrière un sourire de façade… et via un mouvement de caméra furtif, deux gouttes de vin qui s’échappent vont faire office de mauvaise augure. C’est ainsi tout le grand mérite du film, et de la réalisation d'un auteur que l'on sent monter en puissance, après un Canardeur porté par Clint Eastwood,  que d’insinuer les choses sans jamais les affadir.

Par exemple, le décalage que ressent Michael (un Robert de Niro au top, qui a d’ailleurs appliqué à la lettre les consignes de l’Actor’s Studio pour le rôle) quand il rentre dans son village ne sera jamais verbalisé, mais on le ressent au plus profond. Et que dire des scènes de roulette russe, d’une intensité dramatique rarement atteinte et où Christopher Walken excelle à faire passer toute la folie d’un personnage qui ne sera plus jamais le même après cette monstrueuse aventure. Le traitement de Voyage au bout de l'enfer n’est toutefois pas le même que celui d'un Apocalypse now. Ici, l’action se passe en majorité avant le départ des soldats et après, à leur retour au pays. Les scènes de guerre du milieu du film (balancées cash, sans transition aucune), si elles sont émotionnellement très fortes, ne constituent pas l’essentiel de la narration.

D'ailleurs, dans Voyage au bout de l'enfer, pas de discours n'est savamment orchestré, comme c'est le cas dans le sus-nommé Apocalypse now, ni de critique en règle de l’institution façon Full Metal Jacket. On assiste simplement, avec une mise en scène magistrale, au parcours traumatique d'hommes, courageux ou lâches, pleins de vie, de rêves et de désirs. Ces garçons sacrifiés ont été fauchés en pleine jeunesse et ils garderont tous, à des degrés différents, des séquelles indélébiles de cette aliénante aventure que l’on nomme la guerre. Outre la photographie léchée, on se souviendra bien entendu de la bande originale, qui mêle Can't Take My Eyes Off of You, Chopin ou des musique du folklore russe ou de  Stanley Myers. Mais ce sont surtout des images fortes qui hanteront de nombreux spectateurs après avoir vu le film.

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