There will be blood (2007) Paul Thomas Anderson
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There will be blood (2007) Paul Thomas Anderson
À l’aise dans la démesure
Le moins qu’on puisse dire c’est que Paul Thomas Anderson est un auteur rare et éclectique : en vingt ans, de Boogie nights (viore de son premier film, Hard eight) à Phantom thread, le metteur en scène californien a réalisé huit films différents dans le fond et dans la forme. Et quasiment à chaque fois Anderson créé l’événement, fournissant à ses interprètes un terrain fertile pour exprimer leur jeu d’acteur. Mais quand Magnolia faisait la part belle à toute une brochette de comédiens, There will be blood offre à Daniel Day-Lewis un rôle magnifique que l’acteur exploite dans toutes sa complexité. Performance d’acteur donc, mais pas seulement : le film qui s’étale pourtant sur plus de deux heures trente développe avec une maestria impeccable un scénario sec et sans fioritures.
Californie, tout début du vingtième siècle. Daniel Planview est un travailleur acharné de l’industrie pétrolière qui monte de ses propres mains une entreprise qui commence à être florissante, profitant de ce nouvel Eldorado que l’on appelle l’or noir. Quand Paul Sunday vient lui parler d’un terrain inexploité recelant une fortune de pétrole, il se montre tout d’abord circonspect. En bon entrepreneur, il décide d’aller voir lui-même ce qu’il en est, et ne tarde pas à se rendre compte du potentiel du terrain. Il s’avise alors de racheter toutes les parcelles de terrain qu’il peut, toutes sauf une dont le propriétaire s’avère réticent. S’installant avec son jeune fils dans cette communauté fervente, il prospère alors bien vite et commence à se faire un nom dans la région.
Ce qu’on retient en sortant de There will be blood, sonné et K.O., c’est son incroyable densité. Paul Thomas Anderson ne laisse pas une seconde de répit au spectateur qui n’en demandait pas moins. C’est un film de chair et de sang, qui palpite et gronde comme les puits de pétrole qui en sont l’objet. Le réalisateur multiplie les scènes spectaculaires (l’incendie du derrick, cette formidable conclusion…) tout en ménageant les temps morts, tout ça avec un sens du contretemps tout à fait remarquable. La mise en scène d’Anderson est en cela parfaitement maîtrisée, alliant les travellings et les plans rapprochés, tantôt discrète tantôt flamboyante, toujours au service de la narration.
Et on ne peut pas parler de There will be blood sans évoquer la prestation de Daniel Day-Lewis. L’acteur prend à bras le corps ce personnage odieux, une des crapules les plus viles que l’on ai pu croiser dans les salles obscures ces dernières années, pour en faire un être humain complexe et fascinant. On n’a pas fini d’évoquer ce final grandiose qui fait penser à Citizen Kane mais tout du long Daniel Day-Lewis incarne avec un mélange de force et d’humilité ce self-made man orgueilleux et misanthrope. À ses côté ne démérite pas Paul Dano dans un rôle aux antipode de l’adolescent complexé de Little miss Sunshine.
La force du film réside également dans son sujet : à l’heure où les États-Unis se remettent en cause de film en film, cette plongée dans les origines du capitalisme interpelle forcément. En réalisant une fiction ancrée au début du vingtième siècle, Paul Thomas Anderson remet en question habilement le mythe originel américain. There will be blood est un film qui possède des résonances lyriques et politiques, et dont la musique décalée de Jonny Greenwood – le guitariste de Radiohead – accompagne idéalement la narration. Paul Thomas Anderson est définitivement un artiste majeur.