Shining (1980) Stanley Kubrick
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Shining (1980) Stanley Kubrick
Hallucinations collectives ou malédiction éternelle ?
Durant longtemps, les amateurs français de Shining ont été frustrés. En effet, les spectateurs américains avaient pu bénéficier d’une version longue lors de sa sortie en salle, Stanley Kubrick ayant préféré raccourcir le film pour la version européenne. Il faut dire que le réalisateur maniaque exigeant sortait d’un échec cuisant, celui de Barry Lyndon, que d'aucuns considèrent comme l’un de ses plus grands films (mais il y en a tant). Il avait donc la pression, Stanley, d’autant qu’il avait refusé de réaliser L’exorciste, d’où sans doute son intérêt pour cette histoire de gamin vaguement possédé (un des aspects qui est d’ailleurs plus développé dans la version longue). Et ce qui est intéressant, c’est que Jack Nicholson avait été pressenti un temps pour jouer le rôle du Père Merrin (les connaisseurs apprécieront).
Ancien professeur ayant quitté l‘enseignement pour vivre pleinement sa passion d‘écrivain, Jack Torrance passe un entretien à l‘hôtel Overlook, perdu dans les montagnes rocheuses, pour le job de gardien durant la période hivernal où l‘hôtel ferme ses portes. Il décroche le boulot et s’empresse d’appeler sa femme Wendy pour lui annoncer la nouvelle. Leur fils Danny avait pressenti le coup de téléphone grâce à l’intervention de son « ami imaginaire », qui lui fait avoir des visions terrifiantes. C’est suite à l’une de ces visions que Danny tombe dans les pommes. Sa mère appelle alors le médecin de famille qui la rassure tout de suite : Danny n’a aucun souci de santé. Le docteur s’inquiète tout de même de la résurgence chronique de cet ami imaginaire, qui prend souvent la voix de Danny pour s’exprimer.
La maîtrise technique de Stanley Kubrick est assez impressionnante dans Shining. Le réalisateur emploie ici toute une batterie d’artifices de mise en scène qui servent parfaitement son propos. Tout d’abord il y a cette fameuse Steadicam, qu’il ne fut pas le premier à utiliser mais qui contribuera à sa démocratisation. Les travellings qu’elles permettent d’effectuer donnent en effet au film une fluidité et confèrent aux prises de vues une beauté rarement égalés. On note également un certain talent pour le zoom ou le gros plan qui donnent toute son ampleur à ce récit à la frontière de l’horreur et du fantastique : l’effet est garanti.
Au-delà de cet aspect technique, Shining possède en lui une certaine perfection dans la narration. On n’y observe aucun déchet, au contraire : les moindres détails du film ont leur importance. C’est ainsi que Stanley Kubrick s’amuse à nous dévoiler au début certains détails qui auront une certaine importance par la suite. C’est d’ailleurs amusant, a posteriori, d’effectuer avec Jack et Wendy la visite de leur futur demeure hivernal tout en sachant pertinemment combien telle ou telle pièce acquerra une importance capitale dans la suite du récit.
Pour incarner le protagoniste principal, Stanley Kubrick s’adjoint les services de Jack Nicholson, un maître en la matière de personnages un tout petit peu frappés. Si Vol au-dessus d’un nid de coucou avait déjà bien entamé sa réputation, nulle doute que Shining lui assure un statut pérenne. À ses côtés, Shelley Duvall, fidèle collaboratrice de Robert Altman, et qui a eu un Prix d'interprétation collectif au Festival de Cannes pour Trois femmes, récolte ici sans doute son rôle le plus mémorable. Pour compléter le casting, l’impressionnant Danny Lloyd joue ici de manière impeccable le rôle de sa vie (littéralement puisqu'il ne poursuivra pas de carrière d'acteur). Bref, et en deux mots : amateurs de frissons et autres effrois cinématographiques, n’hésitez-pas : vous serez servis.