Profession : reporter (1975) Michelangelo Antonioni
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Profession : reporter (1975) Michelangelo Antonioni
In the desert you can’t remember your name
Le documentaire est un format qui a très souvent attiré Michelangelo Antonioni. Pour preuve, il réalisa en 1972 un documentaire par ailleurs licencieux pour l’époque puisqu’il décrivait la vie quotidienne en Chine. Trois ans plus tard sort Profession : reporter, qui représente la symbiose parfaite entre les formes documentaires et fictionnelles. Le film, qui réunit deux stars en pleine ascension, soit Jack Nicholson, qui vient de terminer Chinatown, et Maria Schneider, qui a récemment tourné dans Le dernier tango à Paris, intercale quelques images réelles dans un récit qui mêle habilement la réalité et la fiction pour raconter une fois de plus chez Antonioni une histoire de recherche d’identité.
Le début
Dans un pays africain, David Locke, journaliste de son état, découvre le cadavre d’un homme d’affaires, Robertson, dans la chambre à côté de la sienne, un homme qu'il a connu récemment et avec qui il avait sympathisé. Isolé de toute civilisation et en proie à la fatigue de sa propre existence, David va subtilement prendre l’identité de Robertson. Les deux hommes ayant deux visages se ressemblant, personne n’y voit malice. Poussé par la curiosité il va scrupuleusement suivre l’emploi du temps prévu par Robertson, et tout s’enchaîne parfaitement, jusqu’à ce que des individus plus ou moins louches se mêlent à l’histoire. Et que la propre femme de David ne se pose quelques questions sur sa disparition soudaine.
Analyse
On peut le voir, Profession : reporter est a priori un polar. Mais qui dit Michelangelo Antonioni dit aussi règles éclatées, comme on a pu le voir dans L'avventura ou dans Blow-up. Une fois encore on peut le constater : l’enquête que mène David, même si elle soulève des problèmes lourds et passionnants comme le trafic d’armes en Afrique, n’a finalement aucune espèce d’importance. Si le film est politique, c'est surtout dans son rapport à la société. Car le personnage principal du film est à la recherche de quelque chose, en effet, mais quoi ? Las de son existence, il se rend compte dans ce coin du monde perdu dont tout le monde se fiche éperdument de la futilité de sa vie et rêve d’autre chose.
La rencontre avec Robertson, un baroudeur qu’il soupçonne sans doute de moult aventures, lui a fait réaliser son désir d’autre chose. Plus tard la rencontre avec une jeune femme seule, jamais nommée, sera comme inévitable : ce sont tous les deux des passagers, et le titre du film en anglais sera d’ailleurs The passenger, sur ce monde. Et quel autre cadre que ce splendide paysage africain pourrait mieux révéler un homme à sa vraie nature ? Les images de Profession : reporter, que ce soit en Afrique, à Barcelone ou à Almeria, sont d’une beauté à tomber. Le film tourné en décors réels et avec une lumière naturelle, est l’une des réalisations les plus achevées au niveau stylistique de Michelangelo Antonioni, et lui-même en convenait.
La prestation de Jack Nicholson est étonnante de sobriété. Loin des excès dont il est capable, et souvent pour le meilleur, il compose ici par de fines touches un rôle d’homme tourmenté et introverti. La réflexion sur la condition humaine est passionnante et va finalement aboutir à la scène la plus célébrée de Profession : reporter, ce magnifique plan séquence à 360 degrés qui dure sept minutes. En quelques instants, Michelangelo Antonioni nous fait comprendre par un astucieux changement de point de vue l’inéluctable conclusion du film, qui répond élégamment à la situation du personnage principal au début du film, et apporte par là même une superbe conclusion à un film bouleversant.