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Mort à Venise (1971) Luchino Visconti

Mort à Venise (1971) Luchino Visconti

Publicado el 19, feb, 2023 Actualizado 19, feb, 2023 Cultura
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Mort à Venise (1971) Luchino Visconti

Beauté juvénile et passion interdite

Depuis pratiquement trente ans, Luchino Visconti règne avec quelques-uns de ses compatriotes sur le cinéma transalpin quand sort sur les écrans Mort à Venise. C'est le deuxième opus de la trilogie allemande du réalisateur, dont le premier film étaient Les damnés et qui sera suivi par Ludwig : le crépuscule des dieux.  Il prépare ce projet depuis bien longtemps, on peut y voir déjà une trace des recherches du metteur en scène dans une rencontre qu'il fit avec Thomas Mann en 1951. L'auteur germanique lui parla alors des thématiques de son roman, lui disant que par exemple il ne souhaitait pas particulièrement, au départ, parler d'homosexualité mais plutôt évoquer le dernier amour de Johann Wolfgang von Goethe pour une jeune fille de 16 ans. Le réalisateur italien adapte le roman à sa manière, faisant du personnage principal non pas un écrivain mais un compositeur. 

Le début

Sur le bateau qui l'amène à Venise, le compositeur Gustav Von Aschenbach somnole doucement. En vue de leur destination, un homme grimé l'interpelle et l'accueille de façon vulgaire. Le compositeur fait fi de ses remarques désobligeantes et se met en quête d'une gondole pour rejoindre le Lido, où se trouve sa destination, le Grand Hôtel des Bains. Se ravisant, il demande au gondolier de l'amener à la station de bateaux pour prendre un vaporetto mais celui-ci refuse. Arrivé au Lido, le gondolier s'enfuit avant d'être payé par peur de la police : il n'avait pas de permis. Gustav Von Aschenbach arrive alors à l'hôtel et s'installe dans sa chambre, guidé par le concierge, un homme servile. Il se retrouve enfin seul et se souvient de ses derniers moments en Allemagne, où un malaise cardiaque violent a conduit son médecin à lui conseiller une cure de repos absolu.

Analyse

À première vue, rien ne surprend dans le fait que Luchino Visconti fut amené à adapter La mort à Venise. L'aristocrate italien, qui n'a eut de cesse de portraiturer des personnages en fin de vie, ou des classes sociales en fin de règne, ne pouvait que se retrouver dans les écrits du grand romancier allemand de la décadence. Le simple fait que le réalisateur change de perspective en prenant, dans Mort à Venise, pour protagoniste un compositeur, prend tout son sens quand on sait que Thomas Mann était un grand admirateur de Gustav Mahler, mort juste avant son voyage à Venise, que le héros du roman se prénomme Gustav et que le film utilise régulièrement la Cinquième symphonie de Mahler. De plus, l'univers flamboyant de Visconti se marie a priori parfaitement avec la splendeur vénitienne, or le réalisateur utilise ce cadre à contre-emploi, ne nous montrant que de rares images de la ville, toutes en décomposition, désertées et en proie à la maladie.

En contraste, nous pouvons admirer le décor luxueux du palace dans lequel de riches personnalités profitent de leur villégiature, un ancien hôtel ouvert en 1900 et aujourd'hui à l'abandon. Mais là encore, Luchino Visconti y instille un goût de déchéance, et insère une prémonition mortifère en la personne d'un chanteur édenté au teint cadavérique : comme le titre l'indique, la mort poursuit inexorablement son ouvrage sur quasiment tous les personnages. car l'autre thématique majeure de Mort à Venise, forcément liée à celle-ci, se retrouve dans la confrontation binaire entre une jeunesse resplendissante et la vieillesse, implacable et cruelle, que l'on farde pour vainement la cacher. Ainsi le compositeur Gustav Von Aschenbach se retrouve-t-il démuni quand, ne l'attendant plus, il se retrouve face à cet avatar de la beauté pure qu'est ce trop jeune adonis dont il s'éprend malgré lui.

Point d’obscénité dans cette relation qui ne sera pas consommée, puisque l'on comprend assez rapidement que ce jeune homme au tein diaphane incarne de façon très juste l'ange de la mort, hautain, face à un artiste en pleine crise d'inspiration. Par l'intermédiaire d'un dispositif récurrent de zoom, procédé dont Luchino Visconti était particulièrement friand, le spectateur se retrouve, dans Mort à Venise, lui aussi dans la position du voyeur devant les courbes de cet objet du désir que l'on ne saurait voir. Pour l'incarner, nous trouvons le jeune et joli Björn Andresen dans un rôle qui va le marquer à vie, et pour lequel il ne se remettra jamais de la notoriété que sa prestation va générer, tandis que l'excellent Dirk Bogarde poursuit ici sa collaboration fructueuse avec Luchino Visconti, et nous offre une fois de plus un rôle magnifiquement torturé.

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