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Little Odessa (1994) James Gray

Little Odessa (1994) James Gray

Publicado el 18, jun, 2022 Actualizado 18, jun, 2022 Cultura
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Little Odessa (1994) James Gray

Le retour du fils maudit

Ce premier long-métrage de James Gray a de façon tout à fait méritée reçu le Lion d’argent du festival de Venise, ex æquo avec Créatures célestes, de Peter Jackson, en 1994. Sans se presser, le réalisateur a ensuite écrit ensuite un deuxième film, The yards, où il se permet de diriger des cadors comme James Caan ou Faye Dunaway. Tout aussi lentement sort La nuit nous appartient, puis dans la foulée Two Lovers. À l'instar de ces premières réalisations, par la suite, on retrouvera Gray à échéance régulière dans les trois principaux festivals européens. Quant à Little Odessa, cette histoire de retour au pays d’un jeune truand est brillamment maîtrisée et permit à Tim Roth de montrer tout son talent d’acteur, et à Vanessa Redgrave de décrocher une Coupe Volpi grandement méritée. Au festival du cinéma américain de Deauville, le film repartait avec le Prix de la critique internationale, tandis que Clerks : Les Employés modèles décrochait le Prix du public.

Le début

Banni de son quartier natal de Brighton Beach, Joshua Shapira, un tueur à gages trentainaire, doit revenir réaliser une commande. Dans ce quartier juif de Brooklyn, peuplé par des ukrainiens, son principal fait d'armes fut d'exécuter le fils du parrain de la mafia locale, Boris Volkoff. Forcément son petit frère Reuben, devenu adolescent, va vouloir le revoir, ce qui ne va pas plaire à Joshua, craignant pour sa sécurité. Mais il apprend que leur mère, Irina, une femme douce et aimante, est au seuil de la mort, et va finalement se laisser convaincre. Cela ne sera pas du goût de leur père Arkady, vendeur de journaux, un homme sévère, au caractère trempé, qui a éduqué ses enfants à coups de ceinturon, et avait banni Joshua quand il avait appris son métier. Quand celi-ci débarque dans ce foyer, le père donne une gifle au cadet pour l'avoir incité à revenir, ce qui va provoquer chez Joshua une réaction instinctive, celle de frapper violemment son père, qui va le chasser de nouveau.

Analyse

Les premières scènes de Little Odessa nous font rentrer de façon claire dans le cœur de son récit, qui est simple et direct, comme la plus pure des tragédies. Ainsi, dans la famille Shapira, la seule manière de communiquer c’est les coups, ce que l'on va expérimenter dans cette séquence poignante où le fils aîné va rendre la monnaie de sa pièce à un père abusif, dans un réflexe de protection fraternel. Et la mère dans tout ça, est malade, la pauvre, victime expiatoire de tous ces hommes qui s’entre-déchirent. On peut d'ailleurs considérer que c’est elle la star du film, Vanessa Redgrave. Elle est véritablement prodigieuse dans ce rôle certes mineur, puisqu'on ne le voit pas dans beaucoup de scènes, mais tellement important. Après tout, c'est bien elle qui va être le moteur de l'intrigue intime qui se joue, et si Joshua revient, c'est principalement pour elle. D'ailleurs l'actrice se révèle une fois de plus impressionnante dans son rôle.

Jouer la maladie n’est jamais chose aisée, mais rien n’effraye cette grande actrice toujours juste et simplement excellente. Tim Roth est quant à lui comme un poisson dans l’eau dans ce rôle dur et implacable, qui ne laisse place à aucune émotion mais qui lui permet au contraire de jouer sur une palette différente, plus en retenue que dans son habitude, mais de manière non moins touchante. Little Odessa se montre dans son traitement d’une sobriété rare, en un peu plus d’une heure et demie le récit nous est conté sans aucune fioriture, et c’est avec une logique naturelle que l'on voit arriver devant notre écran tous les événements qui étaient semble-t-il inévitables. C'est la logique et les ressorts de la tragédie qui se déploient, tant dans son déroulé que dans ses thématiques. Famille, vengeance, trahison, mort, tout y passe sans que rien ne soit surchargé, souligné, empesé : la tradition classique est ici présente dans toute sa splendeur.

Et puis l'on peut compter sur un metteur en scène et une équipe technique qui maîtrisent complètement leur sujet. Ainsi la musique apporte-t-elle tout en finesse le quota d’émotion nécessaire à cette tragédie des temps modernes empreinte d’un souffle quasi baroque. La photographie de Tom Richmond, qui a aussi travaillé sur Killing Zoe et, par la suite, avec Todd Solondz et David Lynch, amène une touche mélancolique qui sied parfaitement à cette atmosphère. C’est avec un plaisir non feint que l’on ressent l’âme russe qui baigne Little Odessa, non seulement dans la description très étudiée de ce fameux quartier new-yorkais, siyué plus précisément à Brooklyn, et de ses habitants hauts en couleur, mais aussi dans la dramaturgie et la construction du récit en crescendo jusqu’à la conclusion finale. On peut dire que pour un premier long-métrage, James Gray frappait d'un coup d'éclat la scène cinématographique, et son talent se confirmera par la suite.

 

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