Le locataire (1976) Roman Polanski
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Le locataire (1976) Roman Polanski
Putain c´qu´il est blême, mon HLM
Dans la carrière de Roman Polanski, Le locataire fait figure de charnière. D'une part parce qu'il clôt la trilogie dite « des appartements maléfiques », qui avait commencé avec Répulsion et s'est poursuivie avec Rosemary's baby. D'autre part parce qu'à partir de là, même si il avait déjà exploré plusieurs genres, le réalisateur va encore faire évoluer son cinéma en l'ouvrant vers des directions qu'il n'avait pas alors exploré, comme le romantisme ou bien le film d'aventure, qui lui amèneront un public de plus en plus élargi. Il adapte ici un roman de l’iconoclaste Roland Topor, qui avait quelques années auparavant co-signé le film d’animation La Planète sauvage, et qui collaborera par la suite à plusieurs petits bijoux de la télévision française des années 1980 tels que Palace ou bien Téléchat.
Le début
Arrivant dans la cour d'un immeuble, Trelkovsky toque à la porte de la concierge qui met du temps à répondre. Il souhaite, comme le lui a conseillé un ami, visiter un appartement en location, mais la femme se montre réticente, rétorquant qu'elle a d'autres choses à faire. Elle s'exécute finalement moyennant finance et lui détaille en montant les escaliers les conditions de la location, lui conseillant après la visite d'aller voir monsieur Zy, le propriétaire, qui habite en dessous. Elle lui raconte également que l'ancienne locataire, mademoiselle Choule, s'est défenestrée quelques jours plus tôt et se trouve à l'hôpital, dans le coma. Trelkovsky s'en émeut et demande pourquoi, alors qu'elle est toujours vivante, l'appartement se trouve en location. Ce en quoi la concierge lui répond qu'elle doute fortement que la jeune fille en réchappe.
Analyse
Regarder Le locataire seul chez soi par une soirée d'orage est une expérience dont on risque de se souvenir. L'atmosphère inquiétante que réussit à instiller Roman Polanski de façon progressive est du meilleur effet, qu'on se le dise. Et pourtant aucune créature maléfique ne traîne dans les parages, on peut même considérer que, en regardant les choses de façon rationnelle, il n'y a pas de quoi avoir peur des comportements isolés des personnages. Seulement voilà, la somme de ces agissements parvient, grâce à une ambiance sonore particulièrement bien orchestrée, à installer le malaise. D'ailleurs, le roman dont est tiré le film, Le locataire chimérique, a été qualifié de psychanalytiquement chargé, avec des concepts plus ou moins développés tels l'inceste ou la pulsion de mort.
Ainsi, si le roman de Roland Topor invoquait l'ombre de Franz Kafka, on pense beaucoup au Corbeau si on observe de plus près les habitants de cet immeuble qui se scrutent et se dénoncent pour un rien, ce qui amène une réflexion anachronique sur l'Occupation. Les références sous-jacentes contenues dans Le locataire se révèlent d'autant plus intéressante lorsqu’on prend en compte l'expérience personnelle de Roman Polanski et de sa famille durant la Seconde guerre mondiale, qu’il développera par la suite dans Le pianiste. Sublimé par la photographie de Sven Nykvist, qui étaient alors au faîte de sa collaboration avec Ingmar Bergman, le long-métrage est gorgé d’inserts paranoïaques particulièrement saisissants et de visions cauchemardesques sur les univers urbains contemporains.
Cette étrange ambiance est renforcé par le fait que Le locataire, dont l’action se passe dans Paris, soit tourné en anglais, et que certains de ses acteurs, français, soient doublés. L’ensemble du casting est d’ailleurs étrangement et agréablement hétéroclite puisqu’on y retrouve les magnifiques Melvyn Douglas, qui quelques années plus tard recevra l'Oscar du meilleur second rôle pour sa prestation dans Bienvenue Mister Chance, et Jo Van Fleet dans l’un de ses derniers rôles au cinéma. Mais l'on y trouve aussi les formidables Isabelle Adjani et Shelley Winters, ainsi que plusieurs membres des troupes du Splendid (Josiane Balasko, Gérard Jugnot et Michel Blanc) et du Café de la Gare (Romain Bouteille, Rufus et Marie-Christine Descouard). Bref, nous avons ici affaire à l’un des meilleurs films de Roman Polanski.